Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
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- prosperjunior
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Bon, revenons à nos moutons ...
Mardi 25 avril, Beauchastel - Le Puy-en-Velay, 127 kms, 2470 m de dénivelé :
Comme annoncé, la météo de ce mardi n'est plus celle des jours précédents : le ciel est chargé, mais il ne pleut pas. Une page s'est tournée en traversant le Rhône, je suis maintenant en Ardèche et je vais aujourd'hui plein ouest en direction de la Haute-Loire. On m'avait décrit la vallée de l'Eyrieux comme un cauchemar pour cyclistes en raison de la forte circulation de poids lourds trimballant de l'eau minérale sur une route étroite et zigzagante . En fait c'est un paradis, la plateforme des anciens chemins de fers Départementaux ayant été aménagée en voie douce sur la quasi-totalité de son parcours.
Nous serions en Suisse, ce chemin de fer à voie métrique aurait été modernisé et il y aurait beaucoup moins de camions sur la route ... Mais voilà, nous ne sommes pas en Suisse, au moins les mannes européennes auront-elles permis d'aménager cette voie d'accès à la montagne ardéchoise.
Pendant presque soixante kms, je vais beaucoup penser aux valeureux mécaniciens et chauffeurs de "la Galoche" (c'est le surnom local de cet ancien chemin de fer), qui, hiver comme été assuraient un service difficile sur ces lignes de montagne au manche de leurs 030-030 Mallet, machines articulées (d'origine Suisse d'ailleurs) particulièrement adaptées au terrain : Toute la matinée, lorsque je jouai du dérailleur, je pensai qu'au même endroit, les équipes de ces machines devaient jouer des crans de marche. Il faut dire que ça monte sans arrêt, et que si 3 ou 3,5% c'est de la rigolade pour un cyclotouriste, il n'en n'est pas de même pour une équipe de conduite de machine à vapeur.
Ce train n'est pas inconnu des cyclistes, car c'est sur ces lignes qu'ont été tournées les séquences ferroviaires du film "Les Cracks" , avec Bourvil, peu de temps avant leur fermeture à la fin des années 60.
Délivré de la nécessaire attention vis-à vis de la circulation, je profite pleinement du paysage La "Voie Douce" n'est revêtue que sur environ un tiers de son parcours, ce qui m'est totalement égal tant mon "Pitard Volant" ne fait pas la différence entre la grave et le bitume ... C'est une affaire qui roule On peut jouir sans retenue des points de vue que la route ignore . Cette piste est tout simplement géniale, des gommes de section supérieure à 28 ou 30 sont quand même préférables pour bien profiter de cet aménagement.
Parfois, des panneaux éducatifs rappellent le souvenir de "La Galoche" : mais certaines gares ont survécu : La piste franchit viaducs et tunnels, toujours à l'abri du péril automobile ... Cela fait le bonheur des familles : j'en croise deux qui profitent ainsi intelligemment des vacances scolaires. Bon, faut pas rêver, je ne finirai pas la matinée au sec, quelques averses viennent en effet confirmer les prévisions météo, mais rien de bien gênant finalement car il n'y a quasiment pas de vent et en l'absence d'autres véhicules susceptibles d'asperger le cycliste par le dessous, le poncho s'avère très efficace.
Bref, la matinée se passe toute seule et il n'est pas midi lorsque j'arrive à Saint-Martin-de-Valamas.
Mon itinéraire prévu passait au nord du Mont Mézenc, mais finalement, sur les conseils du patron (lui même cycliste) du restaurant ouvrier où je déjeune, je décide de m'offrir la grimpée au Mont Gerbier de Jonc où comme chacun sait la Loire prend sa source.
Déjeuner de bonne heure permet de repartir pendant la pause méridienne des chauffeurs routiers qui assurent la desserte des sources d'Arcens, plus haut, on est tranquille.
Le paysage change et comme la pente, se fait montagneux. Rien de bien méchant jusqu'à Saint-Martial après, il y a quelques bons "coups de cul" pour atteindre la ligne de partage des eaux entre la Méditérannée et l'Atlantique. Malheureusement le sommet est dans les nuages, ce qui n'incite pas à s'attarder ... Je me couvre bien et entame la longue descente vers Le Monastier, d'où Robert Louis Stevenson était parti en 1879 pour son "Voyage dans les Cévennes avec un âne".
Au passage je fais un arrêt réconfort aux Estables où je déguste dans une microbrasserie une délicieuse bière à la gentiane .
Le brasseur se désolait qu'elle ne fût point fraîche, mais le cycliste étant lui-même frigorifié, ne s'en offusqua point ... Une dernière colline à escalader, et me voici au Puy-en-Velay, juste à temps pour faire quelques courses pour mon repas du soir pris en compagnie de pèlerins et de randonneurs au gîte d'étape où je reste ce soir.
La douche chaude est bien appréciée après cette journée bien remplie ...
Mardi 25 avril, Beauchastel - Le Puy-en-Velay, 127 kms, 2470 m de dénivelé :
Comme annoncé, la météo de ce mardi n'est plus celle des jours précédents : le ciel est chargé, mais il ne pleut pas. Une page s'est tournée en traversant le Rhône, je suis maintenant en Ardèche et je vais aujourd'hui plein ouest en direction de la Haute-Loire. On m'avait décrit la vallée de l'Eyrieux comme un cauchemar pour cyclistes en raison de la forte circulation de poids lourds trimballant de l'eau minérale sur une route étroite et zigzagante . En fait c'est un paradis, la plateforme des anciens chemins de fers Départementaux ayant été aménagée en voie douce sur la quasi-totalité de son parcours.
Nous serions en Suisse, ce chemin de fer à voie métrique aurait été modernisé et il y aurait beaucoup moins de camions sur la route ... Mais voilà, nous ne sommes pas en Suisse, au moins les mannes européennes auront-elles permis d'aménager cette voie d'accès à la montagne ardéchoise.
Pendant presque soixante kms, je vais beaucoup penser aux valeureux mécaniciens et chauffeurs de "la Galoche" (c'est le surnom local de cet ancien chemin de fer), qui, hiver comme été assuraient un service difficile sur ces lignes de montagne au manche de leurs 030-030 Mallet, machines articulées (d'origine Suisse d'ailleurs) particulièrement adaptées au terrain : Toute la matinée, lorsque je jouai du dérailleur, je pensai qu'au même endroit, les équipes de ces machines devaient jouer des crans de marche. Il faut dire que ça monte sans arrêt, et que si 3 ou 3,5% c'est de la rigolade pour un cyclotouriste, il n'en n'est pas de même pour une équipe de conduite de machine à vapeur.
Ce train n'est pas inconnu des cyclistes, car c'est sur ces lignes qu'ont été tournées les séquences ferroviaires du film "Les Cracks" , avec Bourvil, peu de temps avant leur fermeture à la fin des années 60.
Délivré de la nécessaire attention vis-à vis de la circulation, je profite pleinement du paysage La "Voie Douce" n'est revêtue que sur environ un tiers de son parcours, ce qui m'est totalement égal tant mon "Pitard Volant" ne fait pas la différence entre la grave et le bitume ... C'est une affaire qui roule On peut jouir sans retenue des points de vue que la route ignore . Cette piste est tout simplement géniale, des gommes de section supérieure à 28 ou 30 sont quand même préférables pour bien profiter de cet aménagement.
Parfois, des panneaux éducatifs rappellent le souvenir de "La Galoche" : mais certaines gares ont survécu : La piste franchit viaducs et tunnels, toujours à l'abri du péril automobile ... Cela fait le bonheur des familles : j'en croise deux qui profitent ainsi intelligemment des vacances scolaires. Bon, faut pas rêver, je ne finirai pas la matinée au sec, quelques averses viennent en effet confirmer les prévisions météo, mais rien de bien gênant finalement car il n'y a quasiment pas de vent et en l'absence d'autres véhicules susceptibles d'asperger le cycliste par le dessous, le poncho s'avère très efficace.
Bref, la matinée se passe toute seule et il n'est pas midi lorsque j'arrive à Saint-Martin-de-Valamas.
Mon itinéraire prévu passait au nord du Mont Mézenc, mais finalement, sur les conseils du patron (lui même cycliste) du restaurant ouvrier où je déjeune, je décide de m'offrir la grimpée au Mont Gerbier de Jonc où comme chacun sait la Loire prend sa source.
Déjeuner de bonne heure permet de repartir pendant la pause méridienne des chauffeurs routiers qui assurent la desserte des sources d'Arcens, plus haut, on est tranquille.
Le paysage change et comme la pente, se fait montagneux. Rien de bien méchant jusqu'à Saint-Martial après, il y a quelques bons "coups de cul" pour atteindre la ligne de partage des eaux entre la Méditérannée et l'Atlantique. Malheureusement le sommet est dans les nuages, ce qui n'incite pas à s'attarder ... Je me couvre bien et entame la longue descente vers Le Monastier, d'où Robert Louis Stevenson était parti en 1879 pour son "Voyage dans les Cévennes avec un âne".
Au passage je fais un arrêt réconfort aux Estables où je déguste dans une microbrasserie une délicieuse bière à la gentiane .
Le brasseur se désolait qu'elle ne fût point fraîche, mais le cycliste étant lui-même frigorifié, ne s'en offusqua point ... Une dernière colline à escalader, et me voici au Puy-en-Velay, juste à temps pour faire quelques courses pour mon repas du soir pris en compagnie de pèlerins et de randonneurs au gîte d'étape où je reste ce soir.
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Prosperjunior
Vieux routard que jamais.
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- gilou
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Un grand plaisir que de suivre ce récit à épisodes Jean François!
"Labor omnia vincit improbus"
Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Merci Jean-François pour ton récit captivant
Il ne faut pas aller beaucoup plus loin pour voir les Mallets rouler! La ligne Tournon-Lamastre est toujours en service, et c'est un plaisir de voir ces locomotives grimper le long de la vallée du Doux.
Ici au départ de la gare Tournon-Saint-Jean:
Il ne faut pas aller beaucoup plus loin pour voir les Mallets rouler! La ligne Tournon-Lamastre est toujours en service, et c'est un plaisir de voir ces locomotives grimper le long de la vallée du Doux.
Ici au départ de la gare Tournon-Saint-Jean:
Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Je m'étais régalé (c'est un euphémisme!!!) lors de l'évocation de ton Paris Brest Paris il y a déjà quelques temps de cela, et là, tu nous"remets le couvert" pour cette nouvelle aventure "cyclotouristique" sous forme d'hommage, récit passionnant,commentaires et descriptions instructifs, un grand merci et bravo pour avoir "dominé" le Géant de Provence
- Stéphane
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Je ne dis rien. Pour l'instant. Je déguste. Délicieux !
"La bicyclette, c'est autre chose qu'un sport. C'est un bienfait social" (Pierre Giffard, en 1890)
- prosperjunior
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Merci, mais les bravos sont superflus, une fois qu'on est en haut, ça redescend ...
Ce que je crois, c'est que le vrai voyage cyclotouriste a une véritable dimension spirituelle et intérieure. Je n'ai pas retrouvé cette dimension chez les pèlerins que j'ai rencontré au Puy-en-Velay qui étaient plus dans la "consommation" d'un exercice qui avait été pensé, balisé, et organisé pour eux.
Seul un pèlerin cycliste (si, ça existe !) en provenance de Genève m'a paru avoir cette recherche spirituelle et intérieure que j'imaginais être le moteur principal d'une telle aventure.
Je ne conçois pas un voyage sans un "fil rouge", une motivation profonde, ce fil d'Ariane qui nous relie envers et contre tout aux tréfonds de nous mêmes et au monde extérieur. Les rencontres que l'on fait en ont une autre valeur : les gens qui s'y glissent partagent un morceau de l'aventure.
Cela fait partie du lot : le bonheur est un festin de miettes, il suffit de savoir l'apprécier ... et l'étape suivante en est une parfaite illustration :
Mercredi 26 avril, Le Puy-en-Velay Yssingeaux, 42 kms, 640m de dénivelé (mais une partie à pied) :
On ne peut pas dire que la nuit a été reposante dans la chambrée : Il suffit d'une insomniaque qui bouquine jusqu'à point d'heure avec sa lampe frontale pour scier le premier sommeil à la base. Et quand cette insomniaque, rappelée à l'ordre, s'endort, c'est pire : on a l'impression de coucher avec un groupe électrogène non insonorisé ...
Bref, la journée commence bien.
Je me balade un peu dans les ruelles du Puy, mais le plafond est encore bien bas. La sortie de la ville est un peu pénible car la circulation est importante. Je finis par retrouver le tracé de l'ancienne Nationale 88, déserté au profit d'une voie rapide surchargée.
Il pleut et du côté de Blavozy, ma roue-libre se met à cafouiller . J'ai du mal à arriver à St-Hostien, car les cliquets sautent...
Hier, à la fin du l'ascension du Gerbier de Jonc, j'avais eu un "clac" sinistre que j'avais mis sur le compte de la chaîne, mais non, c'est la roue-libre...
C'est la tuile. J'avise donc un garage où je demande asile et quelques outils afin d'autopsier la récalcitrante : A l'aide d'un chasse-goupille et d'un marteau, je démonte la cage de la roue-libre de son corps : les ressorts sont affaissés et les cliquets ont morflé. Après tout avoir aspergé de dissolvant je retends les ressorts, et réussis à tout remettre en place, billes, cliquets et deuxième rangée de billes sans rien perdre... Un généreux huilage à l'huile fine me rend optimiste car ma "Cyclo" à 4 pignons émet à nouveau un bruit sympathique.
Mais je ne ferai pas un kilomètre que les cliquets, arrondis, sautent à nouveau. C'est foutu. Je retourne au garage où, en désespoir de cause, on soude la cage de roue-libre sur le corps, histoire de me permettre d'aller jusqu'à Yssingeaux en "pignon fixe".
Au début tout se passe bien, mais dans une descente, je dévisse malencontreusement la roue-libre du moyeu .
La chaîne va esquinter la peinture de la base et les soudures de la roue-libre sautent.
Ce coup là, je suis piéton ... Je vais donc de maison en maison, demander si par hasard une vieille bicyclette ne dormirait pas sous une grange avec une roue-libre providentielle. Dans les descentes, je remonte sur le vélo. Pour le reste, c'est moi qui pousse.
J'alerte Merops par téléphone afin de lui demander d'actionner le réseau des Tontons Vélo, des fois qu'il y en aurait un dans le coin. Gilou, Jean et Christophe sont dèjà à Moulins pour l'installation de Vélocipédia et se trouvent dans l'impossibilité de m'apporter un soutien autre que moral. La mort dans l'âme, je préviens ma logeuse du soir de ma défection forcée.
Dans ce coin de Haute-Loire, il est plus facile de dépanner un tracteur agricole qu'une bicyclette, mais je finis par tomber sur un couple de retraités charmants qui déjà m'invitent à me réchauffer au coin du feu et me prêtent un coin de table pour me permettre de me restaurer un peu (avec tout ça il est 3 heures de l'après-midi et je commence à avoir faim ...). Une séance de fouiilles dans les vieux vélos et caisses de pièces de cette maison de famille me permet d'hériter d'un dérailleur Cyclo à 3 vitesses, mais pas d'une roue-libre.
En désespoir de cause, le Maître des lieux se propose de m'emmener avec ma machine à Yssingeaux où il connait le responsable du rayon vélo du magasin Intersport local.
Celui-ci, tout aussi sympathique, possède le démonte roue-libre ad-hoc, mais pas de roue-libre à visser .
Il téléphone à un collègue à Tence, à 25 kms de là, qui en a une. Mon sauveur se propose aussitôt de m'y emmener en voiture. Sous la neige fondue qui tombe maintenant sérieusement nous faisons l'aller-retour pour quérir cette providentielle Shimano 5 pignons.
De retour à Yssingeaux, mon mécano, ancien coureur amateur, remplace la roue-libre 4 pignons par la nouvelle, qui passe tout juste une fois l'entretoise de l'ancienne ôtée.
J'arrive à passer les 4 premiers pignons (14-17-20-24) avec mon dérailleur Cyclo 4 vitesses : je suis sauvé .
A la réflexion, je comprends ce qui s'est passé : ma roue-libre Cyclo 4 pignons à deux cliquets était neuve d'un ancien stock. Comme elle tournait bien, je l'ai simplement rehuilée sans prendre la précaution de la faire tremper dans l'acétone au préalable. L'humidité a dû pénétrer dedans hier, ce qui n'a sans doute pas fait bon ménage avec la vieille huile séchée au fond des logements des cliquets, et ce matin, ils y restaient collés, ce qui m'a valu de bousiller leurs arêtes en moins de temps qu'il ne faut pour y penser ...
Mon sauveur pousse même la sollicitude jusqu'à me trouver un hôtel . Je mesure toute la chance que j'ai eue de tomber sur des personnes aussi attentionnées et serviables. Dans de telles circonstances, sous une météo pourrie, cela redonne foi en l'humanité .
Ne sachant comment les remercier, mon voyage qu'ils ont sauvé leur est dédié !
L'hôtel n'a pas de local pour la nuitée de ma bicyclette, aussi je suis obligé d'entasser des bouteilles de gaz dans une espèce de méchante cabane en planches pour y ménager un emplacement à peu près potable pour ma précieuse monture.
Dépanné, je suis contraint de revoir mon itinéraire : le col de la République, ce sera pour une autre fois, mais je peux encore rejoindre mon étape prévue le lendemain à Maringues (à hauteur de Clermont-Ferrand) en coupant les gorges de la Loire à Retournac et les monts du Forez pour rejoindre Ambert. Ce sera une grosse étape mais c'est jouable.
Ce coup-là c'est une bonne nuit qui m'attend
Ce que je crois, c'est que le vrai voyage cyclotouriste a une véritable dimension spirituelle et intérieure. Je n'ai pas retrouvé cette dimension chez les pèlerins que j'ai rencontré au Puy-en-Velay qui étaient plus dans la "consommation" d'un exercice qui avait été pensé, balisé, et organisé pour eux.
Seul un pèlerin cycliste (si, ça existe !) en provenance de Genève m'a paru avoir cette recherche spirituelle et intérieure que j'imaginais être le moteur principal d'une telle aventure.
Je ne conçois pas un voyage sans un "fil rouge", une motivation profonde, ce fil d'Ariane qui nous relie envers et contre tout aux tréfonds de nous mêmes et au monde extérieur. Les rencontres que l'on fait en ont une autre valeur : les gens qui s'y glissent partagent un morceau de l'aventure.
Cela fait partie du lot : le bonheur est un festin de miettes, il suffit de savoir l'apprécier ... et l'étape suivante en est une parfaite illustration :
Mercredi 26 avril, Le Puy-en-Velay Yssingeaux, 42 kms, 640m de dénivelé (mais une partie à pied) :
On ne peut pas dire que la nuit a été reposante dans la chambrée : Il suffit d'une insomniaque qui bouquine jusqu'à point d'heure avec sa lampe frontale pour scier le premier sommeil à la base. Et quand cette insomniaque, rappelée à l'ordre, s'endort, c'est pire : on a l'impression de coucher avec un groupe électrogène non insonorisé ...
Bref, la journée commence bien.
Je me balade un peu dans les ruelles du Puy, mais le plafond est encore bien bas. La sortie de la ville est un peu pénible car la circulation est importante. Je finis par retrouver le tracé de l'ancienne Nationale 88, déserté au profit d'une voie rapide surchargée.
Il pleut et du côté de Blavozy, ma roue-libre se met à cafouiller . J'ai du mal à arriver à St-Hostien, car les cliquets sautent...
Hier, à la fin du l'ascension du Gerbier de Jonc, j'avais eu un "clac" sinistre que j'avais mis sur le compte de la chaîne, mais non, c'est la roue-libre...
C'est la tuile. J'avise donc un garage où je demande asile et quelques outils afin d'autopsier la récalcitrante : A l'aide d'un chasse-goupille et d'un marteau, je démonte la cage de la roue-libre de son corps : les ressorts sont affaissés et les cliquets ont morflé. Après tout avoir aspergé de dissolvant je retends les ressorts, et réussis à tout remettre en place, billes, cliquets et deuxième rangée de billes sans rien perdre... Un généreux huilage à l'huile fine me rend optimiste car ma "Cyclo" à 4 pignons émet à nouveau un bruit sympathique.
Mais je ne ferai pas un kilomètre que les cliquets, arrondis, sautent à nouveau. C'est foutu. Je retourne au garage où, en désespoir de cause, on soude la cage de roue-libre sur le corps, histoire de me permettre d'aller jusqu'à Yssingeaux en "pignon fixe".
Au début tout se passe bien, mais dans une descente, je dévisse malencontreusement la roue-libre du moyeu .
La chaîne va esquinter la peinture de la base et les soudures de la roue-libre sautent.
Ce coup là, je suis piéton ... Je vais donc de maison en maison, demander si par hasard une vieille bicyclette ne dormirait pas sous une grange avec une roue-libre providentielle. Dans les descentes, je remonte sur le vélo. Pour le reste, c'est moi qui pousse.
J'alerte Merops par téléphone afin de lui demander d'actionner le réseau des Tontons Vélo, des fois qu'il y en aurait un dans le coin. Gilou, Jean et Christophe sont dèjà à Moulins pour l'installation de Vélocipédia et se trouvent dans l'impossibilité de m'apporter un soutien autre que moral. La mort dans l'âme, je préviens ma logeuse du soir de ma défection forcée.
Dans ce coin de Haute-Loire, il est plus facile de dépanner un tracteur agricole qu'une bicyclette, mais je finis par tomber sur un couple de retraités charmants qui déjà m'invitent à me réchauffer au coin du feu et me prêtent un coin de table pour me permettre de me restaurer un peu (avec tout ça il est 3 heures de l'après-midi et je commence à avoir faim ...). Une séance de fouiilles dans les vieux vélos et caisses de pièces de cette maison de famille me permet d'hériter d'un dérailleur Cyclo à 3 vitesses, mais pas d'une roue-libre.
En désespoir de cause, le Maître des lieux se propose de m'emmener avec ma machine à Yssingeaux où il connait le responsable du rayon vélo du magasin Intersport local.
Celui-ci, tout aussi sympathique, possède le démonte roue-libre ad-hoc, mais pas de roue-libre à visser .
Il téléphone à un collègue à Tence, à 25 kms de là, qui en a une. Mon sauveur se propose aussitôt de m'y emmener en voiture. Sous la neige fondue qui tombe maintenant sérieusement nous faisons l'aller-retour pour quérir cette providentielle Shimano 5 pignons.
De retour à Yssingeaux, mon mécano, ancien coureur amateur, remplace la roue-libre 4 pignons par la nouvelle, qui passe tout juste une fois l'entretoise de l'ancienne ôtée.
J'arrive à passer les 4 premiers pignons (14-17-20-24) avec mon dérailleur Cyclo 4 vitesses : je suis sauvé .
A la réflexion, je comprends ce qui s'est passé : ma roue-libre Cyclo 4 pignons à deux cliquets était neuve d'un ancien stock. Comme elle tournait bien, je l'ai simplement rehuilée sans prendre la précaution de la faire tremper dans l'acétone au préalable. L'humidité a dû pénétrer dedans hier, ce qui n'a sans doute pas fait bon ménage avec la vieille huile séchée au fond des logements des cliquets, et ce matin, ils y restaient collés, ce qui m'a valu de bousiller leurs arêtes en moins de temps qu'il ne faut pour y penser ...
Mon sauveur pousse même la sollicitude jusqu'à me trouver un hôtel . Je mesure toute la chance que j'ai eue de tomber sur des personnes aussi attentionnées et serviables. Dans de telles circonstances, sous une météo pourrie, cela redonne foi en l'humanité .
Ne sachant comment les remercier, mon voyage qu'ils ont sauvé leur est dédié !
L'hôtel n'a pas de local pour la nuitée de ma bicyclette, aussi je suis obligé d'entasser des bouteilles de gaz dans une espèce de méchante cabane en planches pour y ménager un emplacement à peu près potable pour ma précieuse monture.
Dépanné, je suis contraint de revoir mon itinéraire : le col de la République, ce sera pour une autre fois, mais je peux encore rejoindre mon étape prévue le lendemain à Maringues (à hauteur de Clermont-Ferrand) en coupant les gorges de la Loire à Retournac et les monts du Forez pour rejoindre Ambert. Ce sera une grosse étape mais c'est jouable.
Ce coup-là c'est une bonne nuit qui m'attend
Prosperjunior
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- Stéphane
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Là, tu m'épates ! Comme sans doute beaucoup d'autres, dans cette situation, j'aurais, je n'ai pas honte de l'écrire, abandonné et rejoint Moulins par le train, ou autres modes motorisés. La différence est sans doute dans ton fil rouge, que tu décris si joliment. Bravo !
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
D'autres l'ont dit avant moi: à vaincre sans péril...
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Pour l'avoir pratiqué un peu, l'abandon est trés rare chez les " Cyclos " les vrais, les purs,les durs, comme nous le démontre l'ami " Prospèr junior.Stéphane a écrit :Là, tu m'épates ! Comme sans doute beaucoup d'autres, dans cette situation, j'aurais, je n'ai pas honte de l'écrire, abandonné et rejoint Moulins par le train, ou autres modes motorisés. La différence est sans doute dans ton fil rouge, que tu décris si joliment. Bravo !
Ne pas confondre avec les groupes de cyclos du dimanche matin, le but n'est pas le même et la motivation non plus.
Comme vous le dites Stéphane, "là tu m'épates"
Christian 94
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Bonjour Jean-François,
Super motivation et super compétences en mécanique vintage
Le Puy en Velay me rappelle de belles pédalées, parfois énergiques, à l'occasion de la Randonnée des Puys. C'était, pour moi, une autre période, mais bien agréable !
J'attends la suite ... peut-être une autre rencontre ?
Super motivation et super compétences en mécanique vintage
Le Puy en Velay me rappelle de belles pédalées, parfois énergiques, à l'occasion de la Randonnée des Puys. C'était, pour moi, une autre période, mais bien agréable !
J'attends la suite ... peut-être une autre rencontre ?
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Dire que j'avais hésité à emmener une roue-libre de rechange , car les 4 vitesses deviennent rares...
Mais je ne le fais jamais, la seule autre fois de ma carrière où une telle mésaventure m'est arrivée, c'est en Angleterre sur le vélo de ma compagne au retour d'un voyage en Scandinavie, après 8000 kms de routes et de pistes pas toujours recommandables... Cette fois c'est le ressort qui avait cassé et je l'avais refait avec un morceau de corde à piano fine que j'avais dans ma sacoche (c'est moins lourd qu'une roue-libre ). Pour démonter le corps de la cage, j'avais emprunté un clou de charpentier et un marteau sur un chantier de construction, et après deux heures de bidouille, on avait pu repartir. Le retour en France s'est fait sans plus de souci mécanique...
Quant à l'idée d'abandonner, elle ne m'a même pas effleuré ...
Même si dans ces moments là on éprouve un sentiment de contrariété, l'expérience prouve qu'on trouve toujours une solution . Il est donc inutile de se mettre la rate au court-bouillon, mieux vaut consacrer son énergie à faire face à l'adversité ...
Après, on s'adapte, ce type de randonnée permet d'improviser la meilleure solution pour la suite. C'est aussi vrai quand la météo nous joue des tours et qu'il est impossible de réaliser ce qu'on avait prévu, il faut rester humble devant plus fort que soi, et rebondir au mieux. Ce jour-là, vu le temps qu'il a fait, je n'ai que peu de regrets de ne pas avoir fait le col de la République où j'aurais eu la neige , pour me consoler je me suis dit que la veille j'avais fait le Gerbier de Jonc qui n'était pas au programme initial, ça compense .
P.S. pour Padrig, oui c'est marrant, même l'endroit de la photo est identique , ton vélo bleu assorti au ciel bleu et mon Pitard noir assorti au ciel gris...
Mais je ne le fais jamais, la seule autre fois de ma carrière où une telle mésaventure m'est arrivée, c'est en Angleterre sur le vélo de ma compagne au retour d'un voyage en Scandinavie, après 8000 kms de routes et de pistes pas toujours recommandables... Cette fois c'est le ressort qui avait cassé et je l'avais refait avec un morceau de corde à piano fine que j'avais dans ma sacoche (c'est moins lourd qu'une roue-libre ). Pour démonter le corps de la cage, j'avais emprunté un clou de charpentier et un marteau sur un chantier de construction, et après deux heures de bidouille, on avait pu repartir. Le retour en France s'est fait sans plus de souci mécanique...
Quant à l'idée d'abandonner, elle ne m'a même pas effleuré ...
Même si dans ces moments là on éprouve un sentiment de contrariété, l'expérience prouve qu'on trouve toujours une solution . Il est donc inutile de se mettre la rate au court-bouillon, mieux vaut consacrer son énergie à faire face à l'adversité ...
Après, on s'adapte, ce type de randonnée permet d'improviser la meilleure solution pour la suite. C'est aussi vrai quand la météo nous joue des tours et qu'il est impossible de réaliser ce qu'on avait prévu, il faut rester humble devant plus fort que soi, et rebondir au mieux. Ce jour-là, vu le temps qu'il a fait, je n'ai que peu de regrets de ne pas avoir fait le col de la République où j'aurais eu la neige , pour me consoler je me suis dit que la veille j'avais fait le Gerbier de Jonc qui n'était pas au programme initial, ça compense .
P.S. pour Padrig, oui c'est marrant, même l'endroit de la photo est identique , ton vélo bleu assorti au ciel bleu et mon Pitard noir assorti au ciel gris...
Prosperjunior
Vieux routard que jamais.
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Jeudi 27 avril : Yssingeaux-Maringues, 143 kms, 1490 m de dénivelé.
Lorsque j'ouvre les volets de ma chambre, il s'avère que l'horizon est bouché, pour ne pas dire brouillasseux ...
Bon, je fais largement honneur au petit-déjeuner car je sais qu'un journée bien garnie m'attend .
L'itinéraire de rechange que je me suis concocté fait entre 140 et 160 bornes suivant les routes que je choisirai d'emprunter au fur et à mesure de l'avancement des opérations...
Il y a un peu de bosses aussi avant de rejoindre la plaine de la Limagne. Je dois d'abord passer les gorges de la Loire à Retournac puis traverser un bon morceau du Forez selon une trajectoire nord-nord-ouest.
Dès le départ il est clair que la chaleur n'est pas là non plus. Comme un imbécile, j'ai laissé mon passe-montagne et mes gants de ski dans le paquetage excédentaire que j'ai demandé à Merops de me retourner à la maison ... Je noue donc la capuche de ma parka et j'enfile une paire de chaussettes par dessus mes mitaines. Pour le reste, ça va : maillot de coton, chemise de flanelle et parka de coton pour le haut, et pour le bas : chaussettes d'équitation, cuissard de VTT et confort suprême, mon pantalon golf en laine feutrée amoureusement confectionné sur-mesures par Mme Chou, qui signe aussi la parka. Mme Chou est une couturière de Dourdan qui est au vêtement ce que Louis Pitard était à la bicyclette : une artiste du confortable et du fonctionnel .
Compte tenu de la visibilité médiocre, je fais exceptionnellement une entorse à mon "dress-code" et enfile un gilet fluo, histoire de ne pas finir en cale de roue ...
Mais ça caille ... Dès que je m'extirpe des gorges de la Loire après Retournac, le vent du nord me cueille sans ménagement, ceci expliquant sans doute cela.
Au moins cela disperse le brouillard... La roue-libre de rechange fait son boulot, même si le pignon de 14 met un peu de temps à passer car je n'ai pas voulu changer l'alignement du mon dérailleur Cyclo. De toute façon, vu la pente et le vent, je n'ai plus trop d'occasions de m'en servir. La circulation est insignifiante, pour ne pas dire inexistante, c'est déjà ça !
Le coin est joli, et très sauvage. Je rame avec application contre le vent, le volume des sacoches n'arrangeant rien. Je passe Usson-en-Forez et à Viverols, un restaurant ouvrier me fournit une pause déjeuner bienvenue, histoire de recharger la machine en calories...
Quand je repars pour franchir le col de Chemintrand, la brouillasse s'est transformée en neige, il faut dire que l'altitude voisine les 1000 mètres. Je ne sais plus trop où, une enseigne lumineuse indiquait tout à l'heure "3°c", quand je vous disais que ça caille ...
L'ascension du col est courte mais laborieuse, vu le vent, mais dans la descente ça tourne à la Bérésina : c'est un mélange de grésil et de neige qui me gifle sans ménagement.
Mes jambes sont recouvertes de deux plaques blanches. C'est donc avec soulagement que j'arrive dans la vallée de la Dore car il ne neige plus en dessous de 600 mètres.
A Ambert, j'ai une pensée pour Jules Romains et "Les copains" en passant devant la Mairie ronde : Vu la météo, je décide de tenter de remonter vers le nord en restant dans la vallée. La D906 est une route à grande circulation mais il s'avère que le gros du trafic est dans le sens inverse. Cela fait donc mon affaire. C'est presque un soulagement quand un camion me dépasse, qui m'aspire dans des relents d'air chaud en me fournissant un éphémère répit contre ce satané vent à décorner les Salers, vent qui l'instant d'après me cloue sur place ...
Bref, je rame. A Courpière, je m'arrête dans une station service histoire de boire un chocolat chaud, et j'éclate d'un fou rire nerveux, idiot, et inextinguilble ...
La pompiste, du coup, m'accompagne dans ce fou rire lorsque j'essaie de m'expliquer : elle a dû penser qu'elle avait affaire à un cinglé .
Un peu réchauffé, je quitte la vallée à Pont de Dore, et si le vent ne faiblit pas, je l'ai maintenant de travers et enfin le soleil daigne se montrer.
Je suis maintenant arrivé dans la plaine de la Limagne, et mon étape n'est plus très loin. Le nom de la dernière localité avant Maringues résume à lui seul la journée et sa fin : L'hôtel, superbe établissement au milieu d'un parc propose un luxe rare : Une baignoire !
Inutile de dire que j'en profite honteusement, me faisant cuire longuement histoire de faire fondre le glaçon que j'étais devenu...
Le personnel est très sympa, le cadre magnifique et le repas "étape" est tout à fait revigorant .
Que demander de plus ? Au terme d'une journée exténuante, c'est un bonheur simple qui console d'avoir ramé comme un galérien pour arriver là.
Malgré mon souci mécanique et la météo contrariante, j'ai fait la jonction avec mon itinéraire primitif dans les temps que je m'étais impartis. Tout est donc pour le mieux.
Lorsque j'ouvre les volets de ma chambre, il s'avère que l'horizon est bouché, pour ne pas dire brouillasseux ...
Bon, je fais largement honneur au petit-déjeuner car je sais qu'un journée bien garnie m'attend .
L'itinéraire de rechange que je me suis concocté fait entre 140 et 160 bornes suivant les routes que je choisirai d'emprunter au fur et à mesure de l'avancement des opérations...
Il y a un peu de bosses aussi avant de rejoindre la plaine de la Limagne. Je dois d'abord passer les gorges de la Loire à Retournac puis traverser un bon morceau du Forez selon une trajectoire nord-nord-ouest.
Dès le départ il est clair que la chaleur n'est pas là non plus. Comme un imbécile, j'ai laissé mon passe-montagne et mes gants de ski dans le paquetage excédentaire que j'ai demandé à Merops de me retourner à la maison ... Je noue donc la capuche de ma parka et j'enfile une paire de chaussettes par dessus mes mitaines. Pour le reste, ça va : maillot de coton, chemise de flanelle et parka de coton pour le haut, et pour le bas : chaussettes d'équitation, cuissard de VTT et confort suprême, mon pantalon golf en laine feutrée amoureusement confectionné sur-mesures par Mme Chou, qui signe aussi la parka. Mme Chou est une couturière de Dourdan qui est au vêtement ce que Louis Pitard était à la bicyclette : une artiste du confortable et du fonctionnel .
Compte tenu de la visibilité médiocre, je fais exceptionnellement une entorse à mon "dress-code" et enfile un gilet fluo, histoire de ne pas finir en cale de roue ...
Mais ça caille ... Dès que je m'extirpe des gorges de la Loire après Retournac, le vent du nord me cueille sans ménagement, ceci expliquant sans doute cela.
Au moins cela disperse le brouillard... La roue-libre de rechange fait son boulot, même si le pignon de 14 met un peu de temps à passer car je n'ai pas voulu changer l'alignement du mon dérailleur Cyclo. De toute façon, vu la pente et le vent, je n'ai plus trop d'occasions de m'en servir. La circulation est insignifiante, pour ne pas dire inexistante, c'est déjà ça !
Le coin est joli, et très sauvage. Je rame avec application contre le vent, le volume des sacoches n'arrangeant rien. Je passe Usson-en-Forez et à Viverols, un restaurant ouvrier me fournit une pause déjeuner bienvenue, histoire de recharger la machine en calories...
Quand je repars pour franchir le col de Chemintrand, la brouillasse s'est transformée en neige, il faut dire que l'altitude voisine les 1000 mètres. Je ne sais plus trop où, une enseigne lumineuse indiquait tout à l'heure "3°c", quand je vous disais que ça caille ...
L'ascension du col est courte mais laborieuse, vu le vent, mais dans la descente ça tourne à la Bérésina : c'est un mélange de grésil et de neige qui me gifle sans ménagement.
Mes jambes sont recouvertes de deux plaques blanches. C'est donc avec soulagement que j'arrive dans la vallée de la Dore car il ne neige plus en dessous de 600 mètres.
A Ambert, j'ai une pensée pour Jules Romains et "Les copains" en passant devant la Mairie ronde : Vu la météo, je décide de tenter de remonter vers le nord en restant dans la vallée. La D906 est une route à grande circulation mais il s'avère que le gros du trafic est dans le sens inverse. Cela fait donc mon affaire. C'est presque un soulagement quand un camion me dépasse, qui m'aspire dans des relents d'air chaud en me fournissant un éphémère répit contre ce satané vent à décorner les Salers, vent qui l'instant d'après me cloue sur place ...
Bref, je rame. A Courpière, je m'arrête dans une station service histoire de boire un chocolat chaud, et j'éclate d'un fou rire nerveux, idiot, et inextinguilble ...
La pompiste, du coup, m'accompagne dans ce fou rire lorsque j'essaie de m'expliquer : elle a dû penser qu'elle avait affaire à un cinglé .
Un peu réchauffé, je quitte la vallée à Pont de Dore, et si le vent ne faiblit pas, je l'ai maintenant de travers et enfin le soleil daigne se montrer.
Je suis maintenant arrivé dans la plaine de la Limagne, et mon étape n'est plus très loin. Le nom de la dernière localité avant Maringues résume à lui seul la journée et sa fin : L'hôtel, superbe établissement au milieu d'un parc propose un luxe rare : Une baignoire !
Inutile de dire que j'en profite honteusement, me faisant cuire longuement histoire de faire fondre le glaçon que j'étais devenu...
Le personnel est très sympa, le cadre magnifique et le repas "étape" est tout à fait revigorant .
Que demander de plus ? Au terme d'une journée exténuante, c'est un bonheur simple qui console d'avoir ramé comme un galérien pour arriver là.
Malgré mon souci mécanique et la météo contrariante, j'ai fait la jonction avec mon itinéraire primitif dans les temps que je m'étais impartis. Tout est donc pour le mieux.
Prosperjunior
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- Stéphane
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Le contraste entre le tee-shirt de MEROPS et les conditions que tu affrontes dans cette étape, est saisissant.
Je serais tenter d'écrire encore : "bravo, superbe, félicitations et merci pour le partage et les photos". Mais je risque de devenir lassant, assurément de montrer mon manque d'inventivité dans mes propos Donc, je m'abstiens
Mais, quand même : tu es un maître-randonneur
Je serais tenter d'écrire encore : "bravo, superbe, félicitations et merci pour le partage et les photos". Mais je risque de devenir lassant, assurément de montrer mon manque d'inventivité dans mes propos Donc, je m'abstiens
Mais, quand même : tu es un maître-randonneur
"La bicyclette, c'est autre chose qu'un sport. C'est un bienfait social" (Pierre Giffard, en 1890)
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
:hello:PROSPERJUNIOR
que dire?
Je ne trouve pas les mots..
Tt les soirs avant de me coucher je lis,je savoure,et me régal de ton étape de la journée..
Bravo,bravo et,surtout merci à toi de partager ce périple incroyable en photos et récits merveilleux dont je ne me lasse pas.
Bonne route à toi et ta monture
Continue de me faire rêver
que dire?
Je ne trouve pas les mots..
Tt les soirs avant de me coucher je lis,je savoure,et me régal de ton étape de la journée..
Bravo,bravo et,surtout merci à toi de partager ce périple incroyable en photos et récits merveilleux dont je ne me lasse pas.
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L'homme donne à pleurer mais prête à rire
Pierre Desproges
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Superbe étape!!! Je connais la région je me souviens avoir fait non loin de Ambert le col des Pradeaux il me semble et celui que tu mentionnes, le col de Chemintrand. a 1028 m.
La mairie de Ambert est ronde comme la Fourme, j'adore ce fromage! Lorsque j'étais descendu la bas j'ai le souvenir d'avoir joué des deux dérailleurs toute la journée!
La suite!!
La mairie de Ambert est ronde comme la Fourme, j'adore ce fromage! Lorsque j'étais descendu la bas j'ai le souvenir d'avoir joué des deux dérailleurs toute la journée!
La suite!!
Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
C'est sûr, et quel plaisir de lire tes aventuresStéphane a écrit : tu es un maître-randonneur
Il est vrai que les premiers jours étaient plus ensoleillés
Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Je viens de me surprendre à cliquer frénétiquement ce matin pour suivre le lien qui m'annonce la suite des aventures de Mr JF Prosper le Maitre Randonneur
C'est vrai qu'on adore tous tes recits de voyages. Ils nous font saliver grave !!!! D'autant que ce week end c'est la répét sur un week-end de l'équivalent de mes 2 premières étapes de mon prochain trip.
Ça sera certainement humide...et venteux.
C'est vrai qu'on adore tous tes recits de voyages. Ils nous font saliver grave !!!! D'autant que ce week end c'est la répét sur un week-end de l'équivalent de mes 2 premières étapes de mon prochain trip.
Ça sera certainement humide...et venteux.
- ian
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
[quote="Stéphane" tu es un maître-randonneur [/quote]
Tout est dit par Stephane,
Casanier mais d'esprit voyageur, je suis dans ta roue, merci .
Tout est dit par Stephane,
Casanier mais d'esprit voyageur, je suis dans ta roue, merci .
- prosperjunior
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- Inscription : sam. 20 juil. 2013 12:51:09
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Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Bonsoir,
C'est drôle, à lire vos commentaires, tous très sympathiques, je me dis finalement que ce type de récit intéresse autant ceux qui pratiquent cette forme de voyage que ceux qui se contentent d'en rêver.
Je voudrais que ces derniers sachent qu'il y a autant d'écart entre l'indifférence de ceux que ça laisse froids et leur propre ressenti, qu'entre ce que leur inspire ces épopées et leur pratique réelle : un monde qui parait vaste mais qu'il est très facile de franchir .
Bien sûr cela ne se fait pas d'un seul coup, il faut apprendre à se connaître progressivement, à trouver une machine qui prolonge efficacement le cycliste, à doser son effort sur la route pour toujours rester en deçà de ses possibilités, mais cela est à la portée de tous et c'est facile avec un peu de volonté et d'humilité.
Je suis dans ma 59ème année, ayant toujours été infoutu de rouler vite (de plus, ça ne m'intéresse pas vraiment ), je n'ai rien d'un athlète, j'étais au lycée le désespoir de mes profs de gym. Je compense mon manque de puissance par la souplesse des jambes qu'il est facile de travailler, et depuis que je suis gamin l'état de ma colonne vertébrale ne me tolère aucune fantaisie. Je ne suis pas un gros rouleur, ces dernières années, je n'ai guère eu le loisir de dépasser de beaucoup les 3000 kms annuels. Bref, vous que mes récits inspirent, sachez que ce n'est le premier pas qui coûte, plus on pratique, plus c'est facile .
L'itinérance est la quintessence du cyclotourisme et sa plus belle récompense. S'en priver, c'est gâcher ce qui sommeille en vous ...
Le faire avec une randonneuse traditionnelle à la française ajoute une dimension décalée à laquelle je vous sais sensibles, c'est aussi le gage d'un confort que vous n'obtiendrez pas autrement. De plus c'est un passeport sûr pour faire des rencontres passionnantes.
Il est un peu tard ce soir pour vous conter la dernière étape : cette petite parenthèse vous aidera bien à patienter encore jusqu'à demain...
C'est drôle, à lire vos commentaires, tous très sympathiques, je me dis finalement que ce type de récit intéresse autant ceux qui pratiquent cette forme de voyage que ceux qui se contentent d'en rêver.
Je voudrais que ces derniers sachent qu'il y a autant d'écart entre l'indifférence de ceux que ça laisse froids et leur propre ressenti, qu'entre ce que leur inspire ces épopées et leur pratique réelle : un monde qui parait vaste mais qu'il est très facile de franchir .
Bien sûr cela ne se fait pas d'un seul coup, il faut apprendre à se connaître progressivement, à trouver une machine qui prolonge efficacement le cycliste, à doser son effort sur la route pour toujours rester en deçà de ses possibilités, mais cela est à la portée de tous et c'est facile avec un peu de volonté et d'humilité.
Je suis dans ma 59ème année, ayant toujours été infoutu de rouler vite (de plus, ça ne m'intéresse pas vraiment ), je n'ai rien d'un athlète, j'étais au lycée le désespoir de mes profs de gym. Je compense mon manque de puissance par la souplesse des jambes qu'il est facile de travailler, et depuis que je suis gamin l'état de ma colonne vertébrale ne me tolère aucune fantaisie. Je ne suis pas un gros rouleur, ces dernières années, je n'ai guère eu le loisir de dépasser de beaucoup les 3000 kms annuels. Bref, vous que mes récits inspirent, sachez que ce n'est le premier pas qui coûte, plus on pratique, plus c'est facile .
L'itinérance est la quintessence du cyclotourisme et sa plus belle récompense. S'en priver, c'est gâcher ce qui sommeille en vous ...
Le faire avec une randonneuse traditionnelle à la française ajoute une dimension décalée à laquelle je vous sais sensibles, c'est aussi le gage d'un confort que vous n'obtiendrez pas autrement. De plus c'est un passeport sûr pour faire des rencontres passionnantes.
Il est un peu tard ce soir pour vous conter la dernière étape : cette petite parenthèse vous aidera bien à patienter encore jusqu'à demain...
Prosperjunior
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Vieux routard que jamais.