Comment un Mercier rose s'est transformé en or...

[Laurent C]

Le tournage de mon film sur Bernard Thévenet a commencé.
Parmi les longues discussions que j'ai eu le bonheur d'avoir avec de grands champions, une anecdote me semble mériter d'être partagée, qui ne sera pas dans le film. Une anecdote qui rappelle que l'on n'a pas attendu le crowdfunding pour démarrer des projets par l'entraide et l'amitié.

Raymond Riotte, originaire de ma région du Plateau de Bourgogne, est venu très tard au vélo. Fils d'agriculteur, il a d'abord joué au foot dans son village, puis il s'est mis au vélo en Algérie, durant sa convalescence d'une blessure de guerre. De retour en France, il a commencé à 22 ans en amateur, au Stade Auxerrois, puis il a été engagé en 66 par Géminiani pour servir de porteur d'eau à Anquetil, il avait 26 ans. Clairement, son but était de gagner de l'argent pour s'acheter sa propre ferme. La sueur et la peine sur un vélo étaient le prix de son ascenseur social. En 67, sous les couleurs BIC, il gagnera une étape, portera une journée le maillot jaune et une semaine le maillot vert, avant de rétrograder du fait de ses mauvaises performances en montagne.

La suite de l'histoire quitte le champ du cyclisme pour celui de l'entraide, du don. En 68, il rejoint un autre Raymond, Poulidor celui-là, dans l'équipe Mercier-B.P-Hutchinson dirigée par Antonin Magne. Raymond Riotte aime toujours autant le foot, et pendant le stage de préparation de début d'année, qui a lieu à l'époque sous le climat du Sud de la France avant qu'on ne découvre les vertus des séjours en montagne, il va taper le ballon en cachette de "Tonin-la-méthode". Il sympathise avec un joueur du cru, qui lui présente son frère Jean-Claude, ouvrier verrier au talent prometteur mais aux poches trouées. Jean-Claude a besoin de poudre d'or pour créer ses premiers chefs d’œuvre. Raymond lui demande combien il lui faut, mais la sommes est rondelette. Cependant, comme le fournisseur italien est passionné de cyclisme selon Jean-Claude, Raymond a alors une idée. Il va à sa voiture, sort du coffre un des deux vélos du service course Mercier qui lui sont remis en début de saison et l'offre à Jean-Claude, pour tenter un troc. Le fournisseur italien, ravi d'avoir le vélo d'un ancien maillot jaune et vainqueur d'étape, fournira la poudre d'or et Jean-Claude Novaro débutera la carrière qu'on sait, grâce à un vélo rose.

Novaro est décédé en décembre dernier. L'idée me plait, qu'un cadeau sans arrière pensée et un simple troc sont à l'origine d'une carrière aussi brillante.

[Stéphane]

Belle histoire, Laurent. C'est tout Raymond, ça, et c'est bien pour cela qu'il restera très, très longtemps, le champion chéri du public des bords de route.

[prosperjunior]

Bonsoir,
Cette histoire mérite mieux que le "coin bistrot", je la déplace donc dans la rubrique "Les courses, les coureurs, les équipes, les maillots".