Mon tour de bocal : déconfiné mais pas déconfit !

[prosperjunior]

Dimanche 31 mai : Sandillon - retour à la maison : 113 kms

Après une belle soirée et une bonne nuit, il me faut regagner mes pénates ; c'est vraiment le dernier jour de mon périple qui doit me ramener au centre de mon cercle .
Cette fois aussi, Jean-Paul décide de me faire un bout de conduite. Nous rejoignons donc Jargeau par la levée de Loire, puis franchissons le fleuve pour, sitôt après la gare de Saint-Denis-de-l'Hôtel tourner à droite. La petite route qui longe la laiterie et l'aérodrome de cette localité est tout ce qu'il y a de plus tranquille pour rejoindre Fay-aux-Loges.
Nous nous séparons à un endroit que j'aime bien, le long de l'ancien canal d'Orléans, devant l'ancienne usine de pompage qui l'alimentait en eau :

Tandis que Jean-Paul s'en retourne, je me dirige plein nord vers la forêt d'Orléans : Sully-la-Chapelle, Ingrannes, la route forestière qui passe par le "col de l'Esse" (un faux col ), puis Chilleurs-aux-Bois où je fais quelques emplettes en vue du pique-nique.

C'est ensuite la Beauce qui m'attends, avec un fort vent de nord-est qui ne facilite guère ma progression.

Mon fils et ses amis étant en pleine opération de sauvetage du patrimoine, je décide de les rejoindre sur les lieux de l'opération, au milieu d'un bois entre Pithiviers et Toury. Ils y ont retrouvé un ancien wagon à bestiaux du Tramway Pithiviers-Toury à voie de 60 cm, construit par Decauville en 1892 et que tout le monde croyait disparu depuis longtemps :

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Ce vestige, unique survivant de son espèce, est d'un intérêt historique et technique indéniable car c'est le premier véhicule ferroviaire connu à caisse surbaissée autoportante.
Au catalogue, ça ressemblait à ça :

(extrait du catalogue Decauville de 1916)

Cette architecture sans châssis préfigurait de 80 ans les voitures du TGV prototype de 1972 . Une trouvaille exceptionnelle d'une pièce étonnamment bien conservée après 59 ans à l'extérieur sur les voies d'un tramway rural et 69 ans au milieu des bois ! Ce sauvetage effectué avec l'aide des membres du Musée des Transports de Pithiviers (dont je vous conseille la visite) et des agriculteurs leur ayant permis de localiser la chose, est un événement. Il y aura une lourde restauration à mener pour le remettre en état de rouler - et avant cela le faire classer monument historique - au sein de leur Association APEMVE (voir https://fr-fr.facebook.com/apemve/), mais cette pièce unique du patrimoine technique en vaut la peine.

Je les aide un peu pour finir le débroussaillage permettant à l'engin de levage d'y accéder et pique-nique sur place. Une équipe de tournage de TF1 arrive pour immortaliser l'instant du sauvetage alors que je reprends la route en direction de la vallée de la Juine et d'Etampes.

Les images de ce tour de bocal se bousculent un peu dans ma tête. J'ai eu tout le temps durant cette semaine de méditer sur la période d'épidémie que nous venons de vivre et les mesures que nos gouvernants ont cru bon de prendre. J'ai pu apprécier la portée de décisions prises par des citadins baignant en permanence dans la foule et la promiscuité quant à notre belle campagne qui n'en finit pas de crever (même aux portes de Paris), non pas d'épidémie, mais de désertification, de fermeture des commerces, d'abandon des services publics, d'égoïsme. Parmi les bistrots de village "fermés pour cause d'épidémie" que j'ai vu sur ma route, combien réouvriront et pourront survivre ?

J'ai pu mesurer aussi la gravité des mesures liberticides prises au cours de cette période. Que ne ferait-on pas "pour notre bien" ?
C'est le moment de lire ou de relire "Globalia", de Jean-Christophe Rufin, j'y ai souvent pensé au cours de ma randonnée.
Cette épidémie aura fait presque 30.000 morts en France. C'est terrible. Mais qui se soucie des 30.000 morts que la pollution de l'air engendre chaque année dans notre pays ?
Au moins le confinement aura permis à notre planète de reprendre son souffle quelques semaines... Si seulement nous en avions profité pour réfléchir à une autre façon de vivre .
C'est aussi le moment de lire ou de relire "Ravage" de René Barjavel, puisque cette occasion de remettre en cause l'organisation de notre société ne semble pas à l'ordre du jour.

Ma conclusion peut vous paraître pessimiste.
Je vous ai conté ma randonnée par le menu pour vous donner à ressentir que tous les instants ainsi volés à la fatalité ne sont peut-être pas vains, parce que ça donne à voir, parce que ça donne à réfléchir, parce que ça donne à considérer que les plus riches moments ne nécessitent que des moyens dérisoires.
Si vous ne vous sentez pas l'âme de survivalistes, soyez au moins cyclistes, tous les jours, en toutes circonstances, vous détiendrez ainsi une des clés de l'antidote à la maladie de notre monde devenu fou .

[KRISSTOFF]

Merci pour le récit de ton périple " tour de bocal "
Comme quoi , pas besoin d'aller trés loin pour voyager et changer de décor ; c'est tout l'intérét du tourisme à
vélo : prendre le temps de vivre le paysage , de faire des découvertes et des rencontres à hauteur d'homme ...
Plutot d'accord avec ta conclusion en général , et je pense aussi que le vélo pourrait étre une solution d'avenir
dans une société plus humaine ( on peut toujours réver ...).

[Giovanni-mi]

Je suis entièrement d'accord avec ta synthèse, je l'evoque souvent et malheureusement on me prend souvent pour quelqu'un venant d'une autre planete , mais le monde d'aujourd'hui et devenu fou, égoïste sans plus aucunes moralité.

[prosperjunior]

Je suis entièrement d'accord avec ta synthèse, je l'evoque souvent et malheureusement on me prend souvent pour quelqu'un venant d'une autre planete , mais le monde d'aujourd'hui et devenu fou, égoïste sans plus aucunes moralité.

Au moins, toi en tant que citoyen de l'Yonne, tu fais preuve de ce qui manque le plus à l'heure actuelle : du bon Sens !

[king]

pour ce qui est de la lecture de Barjavel , j'avais émis que le livre circule , (pressentiments ? ) il est entre les mains de IAN et prêt à se faire envoyer et à faire suivre ... J'ai toujours baigné dans le survivalisme , un stage commando pour un enfant des marais comme moi ça n'a été qu'une partie de plaisir ........... j'avais même écrit une nouvelle sur un forum dans ce style alors que je n'avais jamais lu le livre , après les standards et la trame sont immuables
là avec l'actualité , on relache la garde , on manifeste on déboulonne des statues , le covid , j'espère me tromper , mais ce n'est rien en rapport de ce qui se fomente , plus de police , un mouvement de révolte , des gens affamés , là oui , je commence seulement à faire du stock , et je vais acheter des flèches , 10 c'est assez , non pour chasser ....
il suffit de lire le livre pour comprendre , des groupes de bons, des groupes de mauvais , mais au final .............

[king]

ah et pour le wagon , voie étroite... ment liée au vélo je comprends ton empressement pour aider , toi le férovipathe
j'ai connu un gars sur un forum , sa passion c'est les voies disparues de seine et marne et les ouvrages ,alimentant les fermes modèles , et bien d'autres recouvertes de ronces des ponts qui sont devenus piétons ,ou en pleine forêt oubliés de tous , j'ai pu voir quelque sites remarquables ....

[Le Solognot]

Merci Jean-François pour le récit de ce beau voyage et toute la part de rêve qu'il nous apporte.

Dans ta dernière étape dans ma région et en photo, tu est passé devant le château de Villebourgeon, lieu principal du tournage de "l'école buissonnière", le dernier film de Nicolas Vannier. Je lui avais prêté quelques vélos et avec Martine, nous avons pu assister à une journée de tournage et rencontrer François Berlean.
quant au restaurant de Chaon, "Le rendez-vous des chasseurs",
je l'ai connu dans les années soixante, alors jeune apprenti couvreur (j'ai commencé à 14 ans). C'était un restau ouvrier réputé la semaine et fréquenté assidûment le week-end par tous les grands propriétaires terriens (parisiens et chasseurs) qui venaient là se régaler d'une cuisine de terroir simple et généreuse.
La patronne était une petite femme qui ne devait pas dépasser les 1m45 mais qui était partout à la fois et gérait seule la cuisine et le service pour 40 à 50 couverts.
La dernière fois que j'y ai déjeuné, elle était toujours au service et c'est sa fille de 75 ans qui oeuvrait à la cuisine....!

[prosperjunior]

Salut Alain,

Merci pour ces morceaux de vie du "régional de l'étape . Cela illustre parfaitement tout ce qui fait le charme de ces voyages, toute l'histoire intime de ces lieux où l'on passe et où l'on ne peut que ressentir une vibration sans connaître tout ce qu'il y a pu avoir derrière, même si on se doute bien de la richesse des vies simples que tous ces vieux murs on pu abriter.

Cela me fait penser à la célèbre sentence de Bertold Brecht : "Vous, apprenez à voir, au lieu de regarder bêtement." Tout voyageur qui se respecte ne devrait jamais l'oublier .