Re: Hommage à Louis Pitard : Mollans-sur-Ouvèze à Moulins
Publié : mer. 10 mai 2017 21:28:27
Merci, mais les bravos sont superflus, une fois qu'on est en haut, ça redescend ...
Ce que je crois, c'est que le vrai voyage cyclotouriste a une véritable dimension spirituelle et intérieure. Je n'ai pas retrouvé cette dimension chez les pèlerins que j'ai rencontré au Puy-en-Velay qui étaient plus dans la "consommation" d'un exercice qui avait été pensé, balisé, et organisé pour eux.
Seul un pèlerin cycliste (si, ça existe !) en provenance de Genève m'a paru avoir cette recherche spirituelle et intérieure que j'imaginais être le moteur principal d'une telle aventure.
Je ne conçois pas un voyage sans un "fil rouge", une motivation profonde, ce fil d'Ariane qui nous relie envers et contre tout aux tréfonds de nous mêmes et au monde extérieur. Les rencontres que l'on fait en ont une autre valeur : les gens qui s'y glissent partagent un morceau de l'aventure.
Cela fait partie du lot : le bonheur est un festin de miettes, il suffit de savoir l'apprécier ... et l'étape suivante en est une parfaite illustration :
Mercredi 26 avril, Le Puy-en-Velay Yssingeaux, 42 kms, 640m de dénivelé (mais une partie à pied) :
On ne peut pas dire que la nuit a été reposante dans la chambrée : Il suffit d'une insomniaque qui bouquine jusqu'à point d'heure avec sa lampe frontale pour scier le premier sommeil à la base. Et quand cette insomniaque, rappelée à l'ordre, s'endort, c'est pire : on a l'impression de coucher avec un groupe électrogène non insonorisé ...
Bref, la journée commence bien.
Je me balade un peu dans les ruelles du Puy, mais le plafond est encore bien bas. La sortie de la ville est un peu pénible car la circulation est importante. Je finis par retrouver le tracé de l'ancienne Nationale 88, déserté au profit d'une voie rapide surchargée.
Il pleut et du côté de Blavozy, ma roue-libre se met à cafouiller . J'ai du mal à arriver à St-Hostien, car les cliquets sautent...
Hier, à la fin du l'ascension du Gerbier de Jonc, j'avais eu un "clac" sinistre que j'avais mis sur le compte de la chaîne, mais non, c'est la roue-libre...
C'est la tuile. J'avise donc un garage où je demande asile et quelques outils afin d'autopsier la récalcitrante : A l'aide d'un chasse-goupille et d'un marteau, je démonte la cage de la roue-libre de son corps : les ressorts sont affaissés et les cliquets ont morflé. Après tout avoir aspergé de dissolvant je retends les ressorts, et réussis à tout remettre en place, billes, cliquets et deuxième rangée de billes sans rien perdre... Un généreux huilage à l'huile fine me rend optimiste car ma "Cyclo" à 4 pignons émet à nouveau un bruit sympathique.
Mais je ne ferai pas un kilomètre que les cliquets, arrondis, sautent à nouveau. C'est foutu. Je retourne au garage où, en désespoir de cause, on soude la cage de roue-libre sur le corps, histoire de me permettre d'aller jusqu'à Yssingeaux en "pignon fixe".
Au début tout se passe bien, mais dans une descente, je dévisse malencontreusement la roue-libre du moyeu .
La chaîne va esquinter la peinture de la base et les soudures de la roue-libre sautent.
Ce coup là, je suis piéton ... Je vais donc de maison en maison, demander si par hasard une vieille bicyclette ne dormirait pas sous une grange avec une roue-libre providentielle. Dans les descentes, je remonte sur le vélo. Pour le reste, c'est moi qui pousse.
J'alerte Merops par téléphone afin de lui demander d'actionner le réseau des Tontons Vélo, des fois qu'il y en aurait un dans le coin. Gilou, Jean et Christophe sont dèjà à Moulins pour l'installation de Vélocipédia et se trouvent dans l'impossibilité de m'apporter un soutien autre que moral. La mort dans l'âme, je préviens ma logeuse du soir de ma défection forcée.
Dans ce coin de Haute-Loire, il est plus facile de dépanner un tracteur agricole qu'une bicyclette, mais je finis par tomber sur un couple de retraités charmants qui déjà m'invitent à me réchauffer au coin du feu et me prêtent un coin de table pour me permettre de me restaurer un peu (avec tout ça il est 3 heures de l'après-midi et je commence à avoir faim ...). Une séance de fouiilles dans les vieux vélos et caisses de pièces de cette maison de famille me permet d'hériter d'un dérailleur Cyclo à 3 vitesses, mais pas d'une roue-libre.
En désespoir de cause, le Maître des lieux se propose de m'emmener avec ma machine à Yssingeaux où il connait le responsable du rayon vélo du magasin Intersport local.
Celui-ci, tout aussi sympathique, possède le démonte roue-libre ad-hoc, mais pas de roue-libre à visser .
Il téléphone à un collègue à Tence, à 25 kms de là, qui en a une. Mon sauveur se propose aussitôt de m'y emmener en voiture. Sous la neige fondue qui tombe maintenant sérieusement nous faisons l'aller-retour pour quérir cette providentielle Shimano 5 pignons.
De retour à Yssingeaux, mon mécano, ancien coureur amateur, remplace la roue-libre 4 pignons par la nouvelle, qui passe tout juste une fois l'entretoise de l'ancienne ôtée.
J'arrive à passer les 4 premiers pignons (14-17-20-24) avec mon dérailleur Cyclo 4 vitesses : je suis sauvé .
A la réflexion, je comprends ce qui s'est passé : ma roue-libre Cyclo 4 pignons à deux cliquets était neuve d'un ancien stock. Comme elle tournait bien, je l'ai simplement rehuilée sans prendre la précaution de la faire tremper dans l'acétone au préalable. L'humidité a dû pénétrer dedans hier, ce qui n'a sans doute pas fait bon ménage avec la vieille huile séchée au fond des logements des cliquets, et ce matin, ils y restaient collés, ce qui m'a valu de bousiller leurs arêtes en moins de temps qu'il ne faut pour y penser ...
Mon sauveur pousse même la sollicitude jusqu'à me trouver un hôtel . Je mesure toute la chance que j'ai eue de tomber sur des personnes aussi attentionnées et serviables. Dans de telles circonstances, sous une météo pourrie, cela redonne foi en l'humanité .
Ne sachant comment les remercier, mon voyage qu'ils ont sauvé leur est dédié !
L'hôtel n'a pas de local pour la nuitée de ma bicyclette, aussi je suis obligé d'entasser des bouteilles de gaz dans une espèce de méchante cabane en planches pour y ménager un emplacement à peu près potable pour ma précieuse monture.
Dépanné, je suis contraint de revoir mon itinéraire : le col de la République, ce sera pour une autre fois, mais je peux encore rejoindre mon étape prévue le lendemain à Maringues (à hauteur de Clermont-Ferrand) en coupant les gorges de la Loire à Retournac et les monts du Forez pour rejoindre Ambert. Ce sera une grosse étape mais c'est jouable.
Ce coup-là c'est une bonne nuit qui m'attend
Ce que je crois, c'est que le vrai voyage cyclotouriste a une véritable dimension spirituelle et intérieure. Je n'ai pas retrouvé cette dimension chez les pèlerins que j'ai rencontré au Puy-en-Velay qui étaient plus dans la "consommation" d'un exercice qui avait été pensé, balisé, et organisé pour eux.
Seul un pèlerin cycliste (si, ça existe !) en provenance de Genève m'a paru avoir cette recherche spirituelle et intérieure que j'imaginais être le moteur principal d'une telle aventure.
Je ne conçois pas un voyage sans un "fil rouge", une motivation profonde, ce fil d'Ariane qui nous relie envers et contre tout aux tréfonds de nous mêmes et au monde extérieur. Les rencontres que l'on fait en ont une autre valeur : les gens qui s'y glissent partagent un morceau de l'aventure.
Cela fait partie du lot : le bonheur est un festin de miettes, il suffit de savoir l'apprécier ... et l'étape suivante en est une parfaite illustration :
Mercredi 26 avril, Le Puy-en-Velay Yssingeaux, 42 kms, 640m de dénivelé (mais une partie à pied) :
On ne peut pas dire que la nuit a été reposante dans la chambrée : Il suffit d'une insomniaque qui bouquine jusqu'à point d'heure avec sa lampe frontale pour scier le premier sommeil à la base. Et quand cette insomniaque, rappelée à l'ordre, s'endort, c'est pire : on a l'impression de coucher avec un groupe électrogène non insonorisé ...
Bref, la journée commence bien.
Je me balade un peu dans les ruelles du Puy, mais le plafond est encore bien bas. La sortie de la ville est un peu pénible car la circulation est importante. Je finis par retrouver le tracé de l'ancienne Nationale 88, déserté au profit d'une voie rapide surchargée.
Il pleut et du côté de Blavozy, ma roue-libre se met à cafouiller . J'ai du mal à arriver à St-Hostien, car les cliquets sautent...
Hier, à la fin du l'ascension du Gerbier de Jonc, j'avais eu un "clac" sinistre que j'avais mis sur le compte de la chaîne, mais non, c'est la roue-libre...
C'est la tuile. J'avise donc un garage où je demande asile et quelques outils afin d'autopsier la récalcitrante : A l'aide d'un chasse-goupille et d'un marteau, je démonte la cage de la roue-libre de son corps : les ressorts sont affaissés et les cliquets ont morflé. Après tout avoir aspergé de dissolvant je retends les ressorts, et réussis à tout remettre en place, billes, cliquets et deuxième rangée de billes sans rien perdre... Un généreux huilage à l'huile fine me rend optimiste car ma "Cyclo" à 4 pignons émet à nouveau un bruit sympathique.
Mais je ne ferai pas un kilomètre que les cliquets, arrondis, sautent à nouveau. C'est foutu. Je retourne au garage où, en désespoir de cause, on soude la cage de roue-libre sur le corps, histoire de me permettre d'aller jusqu'à Yssingeaux en "pignon fixe".
Au début tout se passe bien, mais dans une descente, je dévisse malencontreusement la roue-libre du moyeu .
La chaîne va esquinter la peinture de la base et les soudures de la roue-libre sautent.
Ce coup là, je suis piéton ... Je vais donc de maison en maison, demander si par hasard une vieille bicyclette ne dormirait pas sous une grange avec une roue-libre providentielle. Dans les descentes, je remonte sur le vélo. Pour le reste, c'est moi qui pousse.
J'alerte Merops par téléphone afin de lui demander d'actionner le réseau des Tontons Vélo, des fois qu'il y en aurait un dans le coin. Gilou, Jean et Christophe sont dèjà à Moulins pour l'installation de Vélocipédia et se trouvent dans l'impossibilité de m'apporter un soutien autre que moral. La mort dans l'âme, je préviens ma logeuse du soir de ma défection forcée.
Dans ce coin de Haute-Loire, il est plus facile de dépanner un tracteur agricole qu'une bicyclette, mais je finis par tomber sur un couple de retraités charmants qui déjà m'invitent à me réchauffer au coin du feu et me prêtent un coin de table pour me permettre de me restaurer un peu (avec tout ça il est 3 heures de l'après-midi et je commence à avoir faim ...). Une séance de fouiilles dans les vieux vélos et caisses de pièces de cette maison de famille me permet d'hériter d'un dérailleur Cyclo à 3 vitesses, mais pas d'une roue-libre.
En désespoir de cause, le Maître des lieux se propose de m'emmener avec ma machine à Yssingeaux où il connait le responsable du rayon vélo du magasin Intersport local.
Celui-ci, tout aussi sympathique, possède le démonte roue-libre ad-hoc, mais pas de roue-libre à visser .
Il téléphone à un collègue à Tence, à 25 kms de là, qui en a une. Mon sauveur se propose aussitôt de m'y emmener en voiture. Sous la neige fondue qui tombe maintenant sérieusement nous faisons l'aller-retour pour quérir cette providentielle Shimano 5 pignons.
De retour à Yssingeaux, mon mécano, ancien coureur amateur, remplace la roue-libre 4 pignons par la nouvelle, qui passe tout juste une fois l'entretoise de l'ancienne ôtée.
J'arrive à passer les 4 premiers pignons (14-17-20-24) avec mon dérailleur Cyclo 4 vitesses : je suis sauvé .
A la réflexion, je comprends ce qui s'est passé : ma roue-libre Cyclo 4 pignons à deux cliquets était neuve d'un ancien stock. Comme elle tournait bien, je l'ai simplement rehuilée sans prendre la précaution de la faire tremper dans l'acétone au préalable. L'humidité a dû pénétrer dedans hier, ce qui n'a sans doute pas fait bon ménage avec la vieille huile séchée au fond des logements des cliquets, et ce matin, ils y restaient collés, ce qui m'a valu de bousiller leurs arêtes en moins de temps qu'il ne faut pour y penser ...
Mon sauveur pousse même la sollicitude jusqu'à me trouver un hôtel . Je mesure toute la chance que j'ai eue de tomber sur des personnes aussi attentionnées et serviables. Dans de telles circonstances, sous une météo pourrie, cela redonne foi en l'humanité .
Ne sachant comment les remercier, mon voyage qu'ils ont sauvé leur est dédié !
L'hôtel n'a pas de local pour la nuitée de ma bicyclette, aussi je suis obligé d'entasser des bouteilles de gaz dans une espèce de méchante cabane en planches pour y ménager un emplacement à peu près potable pour ma précieuse monture.
Dépanné, je suis contraint de revoir mon itinéraire : le col de la République, ce sera pour une autre fois, mais je peux encore rejoindre mon étape prévue le lendemain à Maringues (à hauteur de Clermont-Ferrand) en coupant les gorges de la Loire à Retournac et les monts du Forez pour rejoindre Ambert. Ce sera une grosse étape mais c'est jouable.
Ce coup-là c'est une bonne nuit qui m'attend