Oui Jacques, c'est une très bonne idée . Le seul hic, c'est que la plupart des cyclistes du coin ne savent probablement pas qui était Louis Pitard, constructeur depuis la fin des années 20, pratiquant cyclocamping et tandem, détenteur de trois Paris-Brest-Paris à tandem avec sa femme Juliette en 1931, 1948 et 1951, engagé dans les concours techniques et ayant toujours été à la pointe pour simplifier la vie du cyclo sur la route par ses machines bien pensées, confortables et sûres.
Cet hommage est juste une petite contribution à un grand homme, modeste, moins connu que d'autres constructeurs, artiste du chalumeau, pour au moins lui rendre justice d'avoir la chance aujourd'hui de chevaucher une de ses créations
.
Dimanche 23 avril, Mollans-Mollans, par le Mont Ventoux , 95 kms, 2170 m de dénivelé :
Nous nous sommes donné rendez-vous avant 9h à Malaucène avec l'ami Merops. En ce jour d'élections il y a du monde dans les rues mais la route qui mène au Ventoux est tranquille. Arrêts photos à la chapelle Notre-Dame du Groseau
puis à la source miraculeuse du même nom où nous remplissons nos bidons .
Il fait bon, un très léger Mistral nous caresse dans le sens du poil
. Ce versant est un peu "en escalier". Les faux-plats à 5-6% alternent avec les pentes à 11-12%, mais surtout le paysage est sublime. Les bornes kilométriques sont ici très bavardes : sur chacune est indiqué le pourcentage moyen et la distance du sommet, et nous les grignotons chacun à notre rythme. Merops sur sa magnifique Berthoud en 700 et moi sur ma Pitard en 650 qui inaugure ainsi sa nouvelle vie
...
Sans entrainement, mon complice n'a d'autre prétention que de m'accompagner un bout de chemin. C'est un grand honneur et un privilège rare : il connait la région comme sa poche qu'il a un don pour faire aimer sans ostentation aucune...
Cette route, m'avait-on dit, est la plus belle pour gravir le géant de Provence, et je veux bien le croire
. Alternativement, on découvre les deux faces du mont, le chaos géologique des Baronnies au nord, le Lubéron au sud. Le soleil brille mais les passages ombragés sont nombreux et il ne fait pas trop chaud, bref, le bonheur
.
Mon comparse décide de tourner bride vers la moitié de l'ascension, ce qui est déjà méritoire vu son absence d'entraînement
.
Le profil en escalier se confirme plus haut, même si la pente se calme après le Mont Serein, après lequel la route n'est plus dégagée. En ce dimanche, sans autos ni motos, c'est une belle aubaine pour les cyclistes et les promeneurs. On aperçoit la chaîne des Alpes toute enneigée, et, au détour d'un lacet, on arrive dans la pierraille du sommet :
Les névés des derniers lacets ne laissent qu'une étroite bande de bitume, prix de la tranquilité de cette ascension.
Et enfin c'est le sommet, bizarre impression de retour à la civilisation motorisée. Il y a aussi beaucoup de cyclistes.
Je fais figure d'OVNI (Objet Vélocipédique Non Identifié) dans la foule des cyclistes présents : des Italiens, des Allemands, et quand même quelques français. Seule une petite dame chevauche une véritable randonneuse.
Alors que je pique-nique, des pratiquants du "Trick drift" (hybride sans moteur de karting et de tricycle), tombent en pâmoison devant ma machine : Il se confirme que chevaucher une telle bicyclette fait chuter la moyenne, obligé qu'on est de répondre aux admirateurs et d'expliquer la démarche
...
Après m'être bien couvert, j'attaque la descente : le freinage, bien que bruyant, est d'une efficacité sans faille, et la tenue du route irréprochable.
Alors que je savoure un café au chalet Raynard, un couraillon carbonifère arrivé par Bédoin, montre ma bicyclette à ses deux compagnons avec ce commentaire : "ça m'étonnerait qu'il aille en haut avec
ça !"... Ayant entendu, je lui fait remarquer que je n'ai pas l'intention d'y retourner tout de suite vu que j'en viens par Malaucène, monté avec
ça !. Mine vexée du type dont la fuite vers Sault avec ses deux acolytes a été la seule réponse
...
Moi aussi je redescends par là, appréciant sans retenue ces 20 bornes de descente dans un paysage qui petit à petit retrouve sa végétation, pour finir parmi les olivers et les champs de lavande. A Sault, je fais provision de nougat (une commande de Madame
) et d'eau dans le bidon avant que de remettre le cap au nord, vers Aurel et Reilhannette.
De là, je remets le cap à l'ouest pour emprunter la vallée du Toulourenc, vers Brantes et St-Léger du Ventoux. Contrairement à ce que le terme "vallée" pourrait laisser croire, cette route n'est pas exempte de relief. Etant maintenant au pied nord du géant de Provence, j'ai vraiment la sensation d'avoir fait le "tour du pâté de montagne"
, en passant toutefois par son sommet. La dégringolade sur Mollans, mon point de départ ce matin, n'en n'est que plus appréciable. Tant de paysages grandioses, de douceur météo, de lumière magique, ont enchanté ce coin de Provence pour mon plus grand bonheur. Pour parachever cette superbe journée, la rencontre inopinée de Didier, cycliste en panne de chambre à air (que je n'ai pu dépanner en raison de ses roues de 700) offre l'occasion d'un grand "discutage de coup" avec lui et sa compagne. On échange les adresses, et je lui fait mention des "Amis du Randonneur"
http://www.le-randonneur.org/où leur état d'esprit trouverait un bon accueil.
Après un diner réconfortant, une petite balade pédestre dans les rues à escaliers de Mollans me fait digérer.
Il ne me reste plus qu'à refixer mes sacoches en prévision de mon itinérance de demain...