Page 1 sur 1

C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 00:03:10
par ferdinand
Bonjour à tous, je rejoins aujourd'hui même la communauté des Tontons, après avoir été un simple usager du site depuis sa création .
Commençons par féliciter et remercier le fondateur , et ceux qui l'ont suivi et accompagné, pour cette démarche à vocation encyclopédique, participative et désintéressée.

Ma relation au vélo relève d'un mystère, un gène dormant qui aura mis deux générations à se réactiver. Il se trouve en effet que mon arrière grand-père maternel tenait au début du XXème siècle un des plus importants commerces de cycles de Clermont Ferrand. L’époque était autre, l’arrière grand-père était un autodidacte touche-à-tout, qui avait précédemment exercé le curieux métier « d’artiste en cheveux » (profession tombée en désuétude n’ayant rien à voir avec celle de coiffeur) avant de verser dans la mécanique, jusqu’au point de déposer des brevets, parmi lesquels un dispositif de freinage « révolutionnaire », qui n’a pas enrichi la famille ni marqué l’histoire du cycle. La boutique faisait également station service, « école de chauffeur », commerce de phonographes et de disques, concessionnaire, notamment, des cycles Thomann, Alcyon et Favor, enfin fournisseur officiel de la brigade cycliste..
Mon grand-père, son fils, prit la suite. Mais ce dernier, plus passionné par le chant lyrique et l’histoire de Napoléon que par les roulements à billes, fit lentement péricliter l’affaire, et finit par se trouver exproprié. S’ensuivit une migration forcée à la campagne, avec armes et bagages, atelier, outillage, stock de pièces, et un volume ahurissant d’objets de toutes sortes, car le grand-père était au cours de sa vie devenu un collectionneur pathologique d’à peu près tout. Toujours est-il qu’en raison de cette histoire familiale, une partie de mes années d’enfance, années 70, eut pour cadre un fantastique capharnaüm de boites, cartons, paperasses, parmi lesquelles certaines portaient des labels et des inscriptions intrigantes, telles que Brompton, Manufrance, Rustines, Simplex, BSA , Bergougnan, Maillard, Campagnolo, Alcyon, Rudge, Radios, Perry , New Star, Perjohn, Stronglight , Lyotard , Laroche Pouchois, et bien d’autres. Des dizaines de vélos étaient entreposés dans un hangar attenant. De l’âge de 6 à 13 ans, environ, je passai du temps chez mes grand-parents sans m’intéresser plus que cela à ce musée auquel je n’avais d’ailleurs pas accès, « pour des questions de santé ». Ma grand mère avait été amputée d’un doigt après avoir été piquée par un câble de frein graisseux, mon grand père, qui avait également travaillé pour la société Michelin, service vulcanisation, y avait selon ses dires subi un empoisonnement « à la benzyne » produit réputé volatile et tenace, dont les miasmes, associés à la Dissolution, me disait-on, persistaient dans l’atelier. Traumatisé par cette double malédiction, le tétanos et la Benzyne, je me tenais à carreaux, et surtout à bonne distance du cambouis, heureux de voir le Grand Père, apparemment bien indemne, l’œil rieur et le geste emphatique, réunir le voisinage pour lui conter l’épopée Napolénienne.
Il disparut, des années plus tard, ayant gardé bon pied, bon œil, et surtout bon appétit, à l’âge de 86 ans. Je n’ai jamais vraiment su ce qu’était la benzyne. Et je n’ai jamais vu le grand père réparer un vélo.
Je ne devais pas trainer à l’atelier, ni dans la réserve à vélos, mais, mais comme je manifestais tout de même une certaine fascination pour tous ces beaux objets techniques, j’avais fini par obtenir en cadeau solennel une dynamo et un phare chromés, de marque « Radios » dans leurs boites, avec une collection d’ampoules, et surtout une paire de moyeux nickelés, munis de graisseurs boules à petit capot, que je chérissais au-delà de tout, et qui me semblaient détenir le secret du mouvement perpétuel . C’est de ces objets que je tiens sans doute ma passion coupable du polissage « finition miroir ».

Pendant toute cette période, Je possédais pour ma part un vélo pliant Peugeot avec lequel j’arpentais les routes et le chemins de campagne, il avait de gros pneus noirs, je me prenais plus pour un pilote que pour un cycliste. Ce furent mes premières sensations exaltées, que je considère comme des sensations premières. La liberté de mouvement, le miracle de l’équilibre et des trajectoires, l’emballement de la vitesse, le vent et la pluie, le soleil dans les rayons, le son de la roue libre, l’ivresse étrangement addictive de l’essoufflement. Mais je ne mesurais pas ce que signifiait l’emprise de ces sensations. Je n’étais pas fou de vélo, encore moins de cyclisme, je préférais les voitures et les avions. Mon père avait – et a toujours- un Gitane course, regardait le Tour, faisait une sortie cyclosportive de temps à autres et revenait songeur, un peu morose, en disant qu’il avait vu un tel qui roulait sur un cadre en « 753 », monté « toucampa ». Ça semblait sérieux.

25 années passent, sans que je n’éprouve le moindre intérêt pour le vélo. Je polis de temps à autres quelques pièces mécaniques, ustensiles domestiques, ou même du mobilier.
C’est seulement à l’âge de 40 ans, ayant quitté Paris pour la proche banlieue, que je rachète, sur une brocante, deux vélos, un pour ma compagne, un pour moi, avec comme seule perspective de sages envies de balade d’agrément. Un VTC Go Sport, un Décathlon mixte. Deux épaves, à remonter. Sans doute quelques pièces à changer, et à polir. Je ne me doute de rien, mais le mal est fait, le gène de l’arrière grand père est réactivé…
Et c’est ainsi que depuis une douzaine d’années, je me retrouve à réparer, modifier, régler, toutes sortes de vélos, de toutes origines. J'ai surtout réalisé peu à peu que le vélo était un des rares machines inchangée dans son essence, et dans son usage, et constitue en cela un objet en parfaite opposition avec notre époque d'obsolescence programmée. Oui, bien sur la technique fait un peu bouger les choses. Oui bien sûr, nous en sommes à des cassettes de 11vitesses, cadres carbone haut module, monocoque , Q factor, etc. Très bien. Mais en dépit des ruses du marketing, on peut faire EXACTEMENT la même chose, et avec le même plaisir, avec un vélo datant d'un siècle, et avec un vélo contemporain. Alors je roule, et je songe à l’arrière grand père. Et vous souhaite à tous bonne route, bonne recherches, bonne archéologie , et bon cambouis !

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 03:18:30
par mudagoye
Bienvenue Ferdinand et merci pour cette lecture délicieuse. C'est un joli voyage dans le temps que je viens de faire grâce à ces quelques paragraphes!
Puissent les Tontons t'être utiles et cette passion pour la petite reine rester intarissable!

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 07:40:01
par Byclou77
Bonjour Ferdinand
Tt d abord bravo et merci pour cette merveilleuse histoire qui comme la très bien mudagoye nous fait voyager dans le temps dans un temps malheureusement révolu....

En tt cas content de t avoir lu et bienvenue parmi nous

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 08:18:44
par Lisica
Bienvenue parmi nous!

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 10:08:36
par ps10
:) bienvenu a toi!

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 11:42:00
par prosperjunior
Bienvenue :fleur: .
L'arrière grand-père était visiblement un imaginatif :shock: , je crois deviner pourquoi sont dispositif "freineur", n'a pas eu le succès escompté :velo2: ... L'appui des pieds sur les pédales étant un des points majeurs de l'équilibre à vélo, je ne me hasarderais pas à les utiliser dans une descente pour freiner sur une pédale :mrgreen: ...

Merci pour cette belle histoire et longue route sur le forum :hello:

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 11:43:50
par king
merci pour cette tranche de vie ........ :wink:

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : mar. 16 janv. 2018 18:05:51
par KRISSTOFF
Salut à toi , Ferdinand ;
Et Bienvenue sur le forum TONTONVELO :!:

Belle histoire de famille , bien racontée ...ça pourrait constituer le premier chapitre d'un bon livre :!:
...j'aime bien cette phrase :
Mais en dépit des ruses du marketing, on peut faire EXACTEMENT la même chose, et avec le même plaisir, avec un vélo datant d'un siècle, et avec un vélo contemporain.
...et je partage ton avis :wink:
:hello:

Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)

Publié : jeu. 25 janv. 2018 19:03:59
par gilou
Bien belle présentation comme on a peu souvent l'occasion d'en lire!
Je me rallie à mes copains, amis et néanmoins collectionneurs ou tout simplement amateurs de cycles pour te souhaiter la bienvenue.
Bonne balade sur ces pages...