C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Modérateurs : fedaliou, KRISSTOFF, Lisica, OSSE, Eric
C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Bonjour à tous, je rejoins aujourd'hui même la communauté des Tontons, après avoir été un simple usager du site depuis sa création .
Commençons par féliciter et remercier le fondateur , et ceux qui l'ont suivi et accompagné, pour cette démarche à vocation encyclopédique, participative et désintéressée.
Ma relation au vélo relève d'un mystère, un gène dormant qui aura mis deux générations à se réactiver. Il se trouve en effet que mon arrière grand-père maternel tenait au début du XXème siècle un des plus importants commerces de cycles de Clermont Ferrand. L’époque était autre, l’arrière grand-père était un autodidacte touche-à-tout, qui avait précédemment exercé le curieux métier « d’artiste en cheveux » (profession tombée en désuétude n’ayant rien à voir avec celle de coiffeur) avant de verser dans la mécanique, jusqu’au point de déposer des brevets, parmi lesquels un dispositif de freinage « révolutionnaire », qui n’a pas enrichi la famille ni marqué l’histoire du cycle. La boutique faisait également station service, « école de chauffeur », commerce de phonographes et de disques, concessionnaire, notamment, des cycles Thomann, Alcyon et Favor, enfin fournisseur officiel de la brigade cycliste..
Mon grand-père, son fils, prit la suite. Mais ce dernier, plus passionné par le chant lyrique et l’histoire de Napoléon que par les roulements à billes, fit lentement péricliter l’affaire, et finit par se trouver exproprié. S’ensuivit une migration forcée à la campagne, avec armes et bagages, atelier, outillage, stock de pièces, et un volume ahurissant d’objets de toutes sortes, car le grand-père était au cours de sa vie devenu un collectionneur pathologique d’à peu près tout. Toujours est-il qu’en raison de cette histoire familiale, une partie de mes années d’enfance, années 70, eut pour cadre un fantastique capharnaüm de boites, cartons, paperasses, parmi lesquelles certaines portaient des labels et des inscriptions intrigantes, telles que Brompton, Manufrance, Rustines, Simplex, BSA , Bergougnan, Maillard, Campagnolo, Alcyon, Rudge, Radios, Perry , New Star, Perjohn, Stronglight , Lyotard , Laroche Pouchois, et bien d’autres. Des dizaines de vélos étaient entreposés dans un hangar attenant. De l’âge de 6 à 13 ans, environ, je passai du temps chez mes grand-parents sans m’intéresser plus que cela à ce musée auquel je n’avais d’ailleurs pas accès, « pour des questions de santé ». Ma grand mère avait été amputée d’un doigt après avoir été piquée par un câble de frein graisseux, mon grand père, qui avait également travaillé pour la société Michelin, service vulcanisation, y avait selon ses dires subi un empoisonnement « à la benzyne » produit réputé volatile et tenace, dont les miasmes, associés à la Dissolution, me disait-on, persistaient dans l’atelier. Traumatisé par cette double malédiction, le tétanos et la Benzyne, je me tenais à carreaux, et surtout à bonne distance du cambouis, heureux de voir le Grand Père, apparemment bien indemne, l’œil rieur et le geste emphatique, réunir le voisinage pour lui conter l’épopée Napolénienne.
Il disparut, des années plus tard, ayant gardé bon pied, bon œil, et surtout bon appétit, à l’âge de 86 ans. Je n’ai jamais vraiment su ce qu’était la benzyne. Et je n’ai jamais vu le grand père réparer un vélo.
Je ne devais pas trainer à l’atelier, ni dans la réserve à vélos, mais, mais comme je manifestais tout de même une certaine fascination pour tous ces beaux objets techniques, j’avais fini par obtenir en cadeau solennel une dynamo et un phare chromés, de marque « Radios » dans leurs boites, avec une collection d’ampoules, et surtout une paire de moyeux nickelés, munis de graisseurs boules à petit capot, que je chérissais au-delà de tout, et qui me semblaient détenir le secret du mouvement perpétuel . C’est de ces objets que je tiens sans doute ma passion coupable du polissage « finition miroir ».
Pendant toute cette période, Je possédais pour ma part un vélo pliant Peugeot avec lequel j’arpentais les routes et le chemins de campagne, il avait de gros pneus noirs, je me prenais plus pour un pilote que pour un cycliste. Ce furent mes premières sensations exaltées, que je considère comme des sensations premières. La liberté de mouvement, le miracle de l’équilibre et des trajectoires, l’emballement de la vitesse, le vent et la pluie, le soleil dans les rayons, le son de la roue libre, l’ivresse étrangement addictive de l’essoufflement. Mais je ne mesurais pas ce que signifiait l’emprise de ces sensations. Je n’étais pas fou de vélo, encore moins de cyclisme, je préférais les voitures et les avions. Mon père avait – et a toujours- un Gitane course, regardait le Tour, faisait une sortie cyclosportive de temps à autres et revenait songeur, un peu morose, en disant qu’il avait vu un tel qui roulait sur un cadre en « 753 », monté « toucampa ». Ça semblait sérieux.
25 années passent, sans que je n’éprouve le moindre intérêt pour le vélo. Je polis de temps à autres quelques pièces mécaniques, ustensiles domestiques, ou même du mobilier.
C’est seulement à l’âge de 40 ans, ayant quitté Paris pour la proche banlieue, que je rachète, sur une brocante, deux vélos, un pour ma compagne, un pour moi, avec comme seule perspective de sages envies de balade d’agrément. Un VTC Go Sport, un Décathlon mixte. Deux épaves, à remonter. Sans doute quelques pièces à changer, et à polir. Je ne me doute de rien, mais le mal est fait, le gène de l’arrière grand père est réactivé…
Et c’est ainsi que depuis une douzaine d’années, je me retrouve à réparer, modifier, régler, toutes sortes de vélos, de toutes origines. J'ai surtout réalisé peu à peu que le vélo était un des rares machines inchangée dans son essence, et dans son usage, et constitue en cela un objet en parfaite opposition avec notre époque d'obsolescence programmée. Oui, bien sur la technique fait un peu bouger les choses. Oui bien sûr, nous en sommes à des cassettes de 11vitesses, cadres carbone haut module, monocoque , Q factor, etc. Très bien. Mais en dépit des ruses du marketing, on peut faire EXACTEMENT la même chose, et avec le même plaisir, avec un vélo datant d'un siècle, et avec un vélo contemporain. Alors je roule, et je songe à l’arrière grand père. Et vous souhaite à tous bonne route, bonne recherches, bonne archéologie , et bon cambouis !
Commençons par féliciter et remercier le fondateur , et ceux qui l'ont suivi et accompagné, pour cette démarche à vocation encyclopédique, participative et désintéressée.
Ma relation au vélo relève d'un mystère, un gène dormant qui aura mis deux générations à se réactiver. Il se trouve en effet que mon arrière grand-père maternel tenait au début du XXème siècle un des plus importants commerces de cycles de Clermont Ferrand. L’époque était autre, l’arrière grand-père était un autodidacte touche-à-tout, qui avait précédemment exercé le curieux métier « d’artiste en cheveux » (profession tombée en désuétude n’ayant rien à voir avec celle de coiffeur) avant de verser dans la mécanique, jusqu’au point de déposer des brevets, parmi lesquels un dispositif de freinage « révolutionnaire », qui n’a pas enrichi la famille ni marqué l’histoire du cycle. La boutique faisait également station service, « école de chauffeur », commerce de phonographes et de disques, concessionnaire, notamment, des cycles Thomann, Alcyon et Favor, enfin fournisseur officiel de la brigade cycliste..
Mon grand-père, son fils, prit la suite. Mais ce dernier, plus passionné par le chant lyrique et l’histoire de Napoléon que par les roulements à billes, fit lentement péricliter l’affaire, et finit par se trouver exproprié. S’ensuivit une migration forcée à la campagne, avec armes et bagages, atelier, outillage, stock de pièces, et un volume ahurissant d’objets de toutes sortes, car le grand-père était au cours de sa vie devenu un collectionneur pathologique d’à peu près tout. Toujours est-il qu’en raison de cette histoire familiale, une partie de mes années d’enfance, années 70, eut pour cadre un fantastique capharnaüm de boites, cartons, paperasses, parmi lesquelles certaines portaient des labels et des inscriptions intrigantes, telles que Brompton, Manufrance, Rustines, Simplex, BSA , Bergougnan, Maillard, Campagnolo, Alcyon, Rudge, Radios, Perry , New Star, Perjohn, Stronglight , Lyotard , Laroche Pouchois, et bien d’autres. Des dizaines de vélos étaient entreposés dans un hangar attenant. De l’âge de 6 à 13 ans, environ, je passai du temps chez mes grand-parents sans m’intéresser plus que cela à ce musée auquel je n’avais d’ailleurs pas accès, « pour des questions de santé ». Ma grand mère avait été amputée d’un doigt après avoir été piquée par un câble de frein graisseux, mon grand père, qui avait également travaillé pour la société Michelin, service vulcanisation, y avait selon ses dires subi un empoisonnement « à la benzyne » produit réputé volatile et tenace, dont les miasmes, associés à la Dissolution, me disait-on, persistaient dans l’atelier. Traumatisé par cette double malédiction, le tétanos et la Benzyne, je me tenais à carreaux, et surtout à bonne distance du cambouis, heureux de voir le Grand Père, apparemment bien indemne, l’œil rieur et le geste emphatique, réunir le voisinage pour lui conter l’épopée Napolénienne.
Il disparut, des années plus tard, ayant gardé bon pied, bon œil, et surtout bon appétit, à l’âge de 86 ans. Je n’ai jamais vraiment su ce qu’était la benzyne. Et je n’ai jamais vu le grand père réparer un vélo.
Je ne devais pas trainer à l’atelier, ni dans la réserve à vélos, mais, mais comme je manifestais tout de même une certaine fascination pour tous ces beaux objets techniques, j’avais fini par obtenir en cadeau solennel une dynamo et un phare chromés, de marque « Radios » dans leurs boites, avec une collection d’ampoules, et surtout une paire de moyeux nickelés, munis de graisseurs boules à petit capot, que je chérissais au-delà de tout, et qui me semblaient détenir le secret du mouvement perpétuel . C’est de ces objets que je tiens sans doute ma passion coupable du polissage « finition miroir ».
Pendant toute cette période, Je possédais pour ma part un vélo pliant Peugeot avec lequel j’arpentais les routes et le chemins de campagne, il avait de gros pneus noirs, je me prenais plus pour un pilote que pour un cycliste. Ce furent mes premières sensations exaltées, que je considère comme des sensations premières. La liberté de mouvement, le miracle de l’équilibre et des trajectoires, l’emballement de la vitesse, le vent et la pluie, le soleil dans les rayons, le son de la roue libre, l’ivresse étrangement addictive de l’essoufflement. Mais je ne mesurais pas ce que signifiait l’emprise de ces sensations. Je n’étais pas fou de vélo, encore moins de cyclisme, je préférais les voitures et les avions. Mon père avait – et a toujours- un Gitane course, regardait le Tour, faisait une sortie cyclosportive de temps à autres et revenait songeur, un peu morose, en disant qu’il avait vu un tel qui roulait sur un cadre en « 753 », monté « toucampa ». Ça semblait sérieux.
25 années passent, sans que je n’éprouve le moindre intérêt pour le vélo. Je polis de temps à autres quelques pièces mécaniques, ustensiles domestiques, ou même du mobilier.
C’est seulement à l’âge de 40 ans, ayant quitté Paris pour la proche banlieue, que je rachète, sur une brocante, deux vélos, un pour ma compagne, un pour moi, avec comme seule perspective de sages envies de balade d’agrément. Un VTC Go Sport, un Décathlon mixte. Deux épaves, à remonter. Sans doute quelques pièces à changer, et à polir. Je ne me doute de rien, mais le mal est fait, le gène de l’arrière grand père est réactivé…
Et c’est ainsi que depuis une douzaine d’années, je me retrouve à réparer, modifier, régler, toutes sortes de vélos, de toutes origines. J'ai surtout réalisé peu à peu que le vélo était un des rares machines inchangée dans son essence, et dans son usage, et constitue en cela un objet en parfaite opposition avec notre époque d'obsolescence programmée. Oui, bien sur la technique fait un peu bouger les choses. Oui bien sûr, nous en sommes à des cassettes de 11vitesses, cadres carbone haut module, monocoque , Q factor, etc. Très bien. Mais en dépit des ruses du marketing, on peut faire EXACTEMENT la même chose, et avec le même plaisir, avec un vélo datant d'un siècle, et avec un vélo contemporain. Alors je roule, et je songe à l’arrière grand père. Et vous souhaite à tous bonne route, bonne recherches, bonne archéologie , et bon cambouis !
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- Inscription : jeu. 28 janv. 2010 23:47:13
- Localisation : Paris XII
Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Bienvenue Ferdinand et merci pour cette lecture délicieuse. C'est un joli voyage dans le temps que je viens de faire grâce à ces quelques paragraphes!
Puissent les Tontons t'être utiles et cette passion pour la petite reine rester intarissable!
Puissent les Tontons t'être utiles et cette passion pour la petite reine rester intarissable!
- Byclou77
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- Inscription : mer. 28 déc. 2016 08:02:56
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Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Bonjour Ferdinand
Tt d abord bravo et merci pour cette merveilleuse histoire qui comme la très bien mudagoye nous fait voyager dans le temps dans un temps malheureusement révolu....
En tt cas content de t avoir lu et bienvenue parmi nous
Tt d abord bravo et merci pour cette merveilleuse histoire qui comme la très bien mudagoye nous fait voyager dans le temps dans un temps malheureusement révolu....
En tt cas content de t avoir lu et bienvenue parmi nous
LE RIRE N'EST JAMAIS GRATUIT:
L'homme donne à pleurer mais prête à rire
Pierre Desproges
L'homme donne à pleurer mais prête à rire
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- Inscription : dim. 29 sept. 2013 10:30:19
- Localisation : 45650 Saint Jean le blanc
Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Bienvenue parmi nous!
Je cherche un Jacques Schulz, un Léo Chardon, un Salvo, un Rotary, un Sociable, une Superbe hirondelle...
Une partie de ma collection : http://www.velocipedie.fr
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- Inscription : mar. 24 nov. 2015 21:47:18
- Localisation : sainte marie aux mines (68)
Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
bienvenu a toi!
- prosperjunior
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- Inscription : sam. 20 juil. 2013 12:51:09
- Localisation : Etampes et Loiret
Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Bienvenue .
L'arrière grand-père était visiblement un imaginatif , je crois deviner pourquoi sont dispositif "freineur", n'a pas eu le succès escompté ... L'appui des pieds sur les pédales étant un des points majeurs de l'équilibre à vélo, je ne me hasarderais pas à les utiliser dans une descente pour freiner sur une pédale ...
Merci pour cette belle histoire et longue route sur le forum
L'arrière grand-père était visiblement un imaginatif , je crois deviner pourquoi sont dispositif "freineur", n'a pas eu le succès escompté ... L'appui des pieds sur les pédales étant un des points majeurs de l'équilibre à vélo, je ne me hasarderais pas à les utiliser dans une descente pour freiner sur une pédale ...
Merci pour cette belle histoire et longue route sur le forum
Prosperjunior
Vieux routard que jamais.
Vieux routard que jamais.
- king
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- Messages : 19344
- Inscription : sam. 31 déc. 2016 16:56:28
- Fonction : Lord Brithburn
Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
merci pour cette tranche de vie ........
- KRISSTOFF
- Plus de 20 messages
- Messages : 12860
- Inscription : ven. 26 févr. 2010 14:27:03
- Localisation : Fontenay le Comte Vendée
Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Salut à toi , Ferdinand ;
Et Bienvenue sur le forum TONTONVELO
Belle histoire de famille , bien racontée ...ça pourrait constituer le premier chapitre d'un bon livre
...j'aime bien cette phrase :
Et Bienvenue sur le forum TONTONVELO
Belle histoire de famille , bien racontée ...ça pourrait constituer le premier chapitre d'un bon livre
...j'aime bien cette phrase :
...et je partage ton avisMais en dépit des ruses du marketing, on peut faire EXACTEMENT la même chose, et avec le même plaisir, avec un vélo datant d'un siècle, et avec un vélo contemporain.
- gilou
- Plus de 20 messages
- Messages : 6301
- Inscription : dim. 12 déc. 2010 18:06:55
- Fonction : ex-Président de l'Association des Amis de TV.
- Localisation : HYERES ( VAR )
Re: C'est beau, mais c'est loin. ( proverbe cycliste)
Bien belle présentation comme on a peu souvent l'occasion d'en lire!
Je me rallie à mes copains, amis et néanmoins collectionneurs ou tout simplement amateurs de cycles pour te souhaiter la bienvenue.
Bonne balade sur ces pages...
Je me rallie à mes copains, amis et néanmoins collectionneurs ou tout simplement amateurs de cycles pour te souhaiter la bienvenue.
Bonne balade sur ces pages...
"Labor omnia vincit improbus"